Douglas Dunn avait 39 ans lorsque son épouse décéda d’un cancer. Elle n’avait que 37 ans. Ce traumatisme physique et sentimental est au cœur de la séquence intitulée Elegies. Dans ces poèmes poignants et intimes, Douglas Dunn tente de définir les effets paradoxaux du choc, à la fois douloureux et anesthésiant, provoquant sentiment d’anéantissement et intense soif de vivre les derniers instants de complicité conjugale. Cet article s’appuie sur les trois premières élégies de la collection. L’effet de choc y est envisagé par le biais de ses répercussions sur la persona du poète, se traduisant essentiellement par une perception altérée du temps et de la réalité, ainsi qu’une déstructuration du langage. La douleur semble se dérober à la mise en mots. Le poète se réfugie alors dans l’imaginaire rassurant des contes de fées, qui lui permet de suppléer une histoire, fût-elle conventionnelle, là où les mots se dérobaient. Mais face à un sentiment d’isolement grandissant, la posture ironique, grâce à la mise à distance qu’elle implique, permet de donner une dimension sociale et collective à une douleur initialement perçue comme personnelle et narcissique.