
Roman sombre et concis, The Life and Death of Harriett Frean (1922) de May Sinclair est à lire comme une variation sur les conséquences dévastatrices d’une éducation où l’enfant soucieux de correspondre au désir parental présente à la société un personnage mensonger qui ne respecte en rien son ressenti fondamental et qui pourrait s’apparenter à la notion de faux self théorisée par D. Winnicott. Le roman montre aussi comment la lecture de romans édifiants exaltant le mythe mensonger de l’ange au foyer participe à la fabrication d’êtres féminins non authentiques dont l’existence garantit le maintien de la société patriarcale. La dimension esthétique si particulière de ce roman pourrait alors être la réponse éthique de l’auteur à l’omniprésence du mensonge dans la société victorienne, comme s’il s’agissait de mettre au point une écriture qui puisse, en comparaison de la rhétorique fallacieuse des romans édifiants, se lire comme la moins mensongère possible : une écriture ascétique qui annonce par bien des aspects l’écriture blanche de Barthes et révèle le modernisme de Sinclair.