
Cet article s’intéresse aux jeux de mots et de langue dont procèdent le langage figuratif et la langue poétique propres à la suite de poèmes « jeunesse » Old Possum’s Book of Practical Cats (1939) de T.S. Eliot. L’objectif est de mettre en lumière la façon dont ces poèmes « mineurs », négligés par la critique éliotienne, articulent précisément « mode mineur » et « mode majeur » avec humour et non sans ironie. Ces poèmes mettent notamment en tension les présupposés moraux et génériques à partir desquels une histoire pour enfants est censée s’écrire, mais aussi sur lesquels une œuvre littéraire majeure est censée se fonder au regard du « canon », un concept critique que T. S. Eliot lui-même a grandement contribué à définir. En l’espèce, les poèmes sont des textes assez inclassables, que l’on pourrait dire « syncrétiques », ou tout simplement « bigarrés » et « zébrés », à l’image du pelage des chats de gouttière qu’ils racontent. L’humour pince-sans-rire de ces poèmes oscille entre humour potache et ironie plus grinçante à l’égard du puritanisme victorien et d’un certain essentialisme idéologique dans le contexte des années 1930. Cet humour relève aussi d’un esprit anglais, souvent nonsensique, que cultive avec sérieux et délectation T.S. Eliot, l’opossum anglo-américain, s’acclimatant au pays d’Alice et au quartier londonien de Bloomsbury, territoire de chasse que hantent, encore à l’époque, les grands félins du modernisme.