
Le passage du Grand Gel dans Orlando de Virginia Woolf et le roman Ice d’Anna Kavan interrogent les conséquences d’un choc et de la crise qui en découle, traduite par une météo déboussolée et un froid anormal. Les récits tentent de cerner comment l’individu et la société réagissent, s'adaptent ou perdent pied lorsqu'ils sont confrontés à un phénomène anormal qu'ils ne peuvent ni comprendre ni maîtriser. Nous sommes bel et bien dans l'irréel et le fantastique, mais pas dans le sens de certains critiques qui n'ont voulu voir dans Orlando qu'un récit fantaisiste et, dans Ice, un roman de science‑fiction. Ces œuvres enregistrent un phénomène surnaturel, qui gagne du terrain et auquel les deux personnages principaux tentent d’échapper, mais la menace est avant tout psychologique. Je me propose de lire ces romans comme des récits d’introspection mettant en scène le projet d’écriture et ses pièges menaçant l’intégrité psychique des auteurs.