
Dans Shadow of a Doubt (Alfred Hitchcock, 1943), la confiance qu’éprouve la jeune Charlie envers son oncle Charlie se dissipe progressivement, ce qui amène l’héroïne à une prise de conscience amère des turpitudes de la vie. Soixante-dix années plus tard, Park Chan-wook reprend le film de Hitchcock dans Stoker (Park Chan-wook, 2013) mais transforme radicalement la relation entre l’oncle Charlie et sa nièce, India. Cette relation complexe, mélange de méfiance et d’émoi, va finalement amener la jeune femme à commettre des actes répréhensibles, qui n’ont rien à envier à ceux de son oncle. Park Chan-wook donne ainsi à son film une structure genrée où la femme n’est plus proie mais prédatrice. À partir de l’idée de Paul Ricœur selon laquelle le soupçon est bénéfique, cet article montre, d’une part, que le soupçon remet en question et discrédite les liens familiaux, d’autre part, qu’il permet d’établir une structure sociale où le personnage féminin principal trouve sa place. La dynamique créatrice liée au soupçon est donc radicalement différente dans les deux films. Alors que Shadow of a Doubt semble se conclure sur la réaffirmation des bienfaits du patriarcat, Stoker met en évidence la subversion radicale et mortifère du pouvoir patriarcal.