
Cette contribution étudie le récit d’inceste romancé de Dorothy Allison et analyse comment le regard et la voix de l’enfant traumatisé subvertissent les modèles de l’enfant proposés par les études sociales et le féminisme, qui promeuvent l’innocence, l’impuissance et l’infériorité des enfants et des victimes de sévices. La fillette détentrice du pouvoir de représentation décrit d’abord sa réduction au silence par la violence et l’incompréhension. La transcription de ses pensées compense ce silence et lève le voile sur les sévices, dont les lecteurs sont les seuls témoins. Pour surmonter la terreur, la fillette invente des histoires d’une extrême violence et manifeste une maturité sexuelle dérangeante qui mêle traumatisme, souffrance, plaisir et pouvoir. Cependant, le pouvoir fantasmé ne se traduit jamais par une résistance active, le couple victime / agresseur n’est pas complètement subverti, et la fillette oscille à la frontière de la faiblesse et du pouvoir, de l’ignorance et de la maturité.