Huck Finn, ou le triomphe du mineur

Auteurs

Mots-clés :

Enfance, Mineur, Vernaculaire, Parodie, Race, Postcolonial, Genre, Dialogisme

Résumé

Le nom de plume de Mark Twain souligne la dualité de sa vision, marquée par la tension entre majeur et mineur dans les Aventures de Huckleberry Finn, contées par un narrateur enfant, adepte de l’école buissonnière. Le dialogisme à l’œuvre, la carnavalisation du texte sont autant de techniques exigeant du lecteur la sagacité, l’empathie, la remise en question des préjugés. La langue de Shakespeare travestie par des ignares présomptueux est sans doute l’exemple le plus significatif et savoureux de ce dédoublement narratif. Tout en ridiculisant les piètres artistes, ces tirades éclaboussent le Barde anglais et la culture highbrow à laquelle Twain préférait le minstrel-show. Autre fleuron de la culture populaire, le cirque sur lequel Huck porte un regard naïf, leurré par la fausse maladresse d’un clown équilibriste qui l’amène à une foi inconditionnelle en ces arts mineurs. Pour autant, derrière le jeu perpétuel, Huck apprend à reconnaître la laideur morale et à s’indigner devant l’injustice. C’est ce regard et cette voix d’enfant libre, rebelle à la « sivilisation », qui s’oppose à ceux de son ami Tom, happé par le monde adulte des « auteurs » reconnus, mais honnis de l’auteur, qui permet à Twain, avec moult invraisemblances stylistiques et linguistiques — examinées ici par le biais d’une micro-analyse d’extraits — de renverser les tabous et de publier ce qui fut nommé le premier roman américain. C’est dans la dualité majeur / mineur, adulte / enfant, conformisme / rébellion, langue savante / vernaculaire, « fautes » de langue, dans le dédoublement de la voix et du regard, et dans le triomphe du mineur — l’enfant refusant la soumission ou le compromis et fuyant dans le retrait du « Territoire » — que Twain réussit à faire d’un livre prétendument pour enfants un livre majeur de la littérature américaine.

Biographie de l'auteur

Nicole Ollier, Univ. Bordeaux Montaigne

Nicole Ollier, Professeure à l’Université Bordeaux Montaigne, a écrit sa première thèse de doctorat sur les nouvelles de Mark Twain. Son doctorat d’état portait sur Les Voix helléniques aux États-Unis. Les voix des minorités, qu’elles soient celles de l’enfance, de l’ethnicité, de groupes minoritaires ou de genres mineurs, ont toujours eu une résonance à ses oreilles. Elle s’intéresse au Genre, au postcolonialisme, enseigne et pratique la traduction littéraire, poétique, au niveau professionnel ; elle dirige l’atelier collectif « Passages » qui traduit la poésie essentiellement caribéenne ou afro-américaine. Elle aime croiser les arts musicaux, visuels ou chorégraphiques avec la musique des textes.

Téléchargements

Publiée

2016-04-29

Comment citer

Ollier, N. (2016). Huck Finn, ou le triomphe du mineur. Leaves, (2), 52–64. Consulté à l’adresse https://revues.u-bordeaux-montaigne.fr/leaves/article/view/213