
Cet article étudie la mise en poème des archives dans Paterson de William Carlos Williams. Les diverses censures observables donnent en effet lieu à un phénomène d’oblitération compensé par des techniques poétiques visant à reconstituer l’événement. Ce processus de reconstitution repose sur l’imagination du poète, et la mémoire apparaît comme transformée sous la plume de l’écrivain. Cette configuration rapproche Paterson des théories de Paul Ricoeur, qui considère la mémoire comme réappropriation du passé. Archives publiques (histoire de la ville), privées (comptes rendus médicaux du poète-médecin) ou intimes (correspondances personnelles) se mêlent au texte poétique. In fine, ce ne sont pas les archives que Paterson contient qui font de l’œuvre un objet de mémoire, mais les archives créées par l’œuvre. Williams projette par exemple sa propre mort dans le dernier livre de l’ouvrage. De tels passages aux échos autothanatographiques anticipent l’avenir et remettent en question la linéarité de la mémoire : elle dépend moins du passé que du présent et de l’avenir à la fin du poème.