
Dans des dystopies féministes telles que The Stone Gods de Jeanette Winterson (2007), The Book of Joan de Lidia Yuknavitch (2017) et The Water Cure de Sophie Mackintosh (2018), les thèmes de la répression émotionnelle, de l’autoritarisme et de l’agentivité féminine se rencontrent pour construire une critique des structures de pouvoir patriarcales et capitalistes. Notre lecture se concentre sur l’ambivalence du pouvoir vis-à-vis des émotions : en tant qu’éléments codés comme féminins, ils doivent être évacués du domaine public, mais en tant que traits humains fondamentaux, ils sont au cœur même du pouvoir. Les autrices de ces romans spéculatifs dépeignent les émotions comme des forces subversives qui remettent en question les structures de pouvoir patriarcales, ce qui déstabilise les frontières entre raison et sentiment, corps et esprit, et entités humaines et non humaines. Ces récits qui mettent l’accent sur les dimensions corporelles et émotionnelles de la résistance permettent une critique puissante des normes sociétales et des binarismes hiérarchiques. En fin de compte, l’article propose que la littérature dystopique féministe est un terrain privilégié pour réévaluer des émotions telles que l’empathie et l’amour qui favorisent les connexions l'esprit de communauté – ce qui est désigné sous le terme d’« éthique du care » dans les études féministes – tout en faisant aussi la part belle à une émotion moins souvent valorisée : la colère des femmes, conçue comme une force transformative.