S’alimenter dans l’Espagne du XVIIe siècle d’après le Tesoro de las dos lenguas española y francesa de César Oudin (éd. princeps : 1607)
César Oudin (vers 1560-1625), « hispanisant de bonne race » selon la formule de Jean Canavaggio (Canavaggio, 2001, p. XXVIII), est essentiellement connu pour avoir traduit et publié en 1614 la première partie du Quichotte de Cervantès. Il est également l’auteur d’un ouvrage pionnier, le Tesoro de las dos lenguas española y francesa / Tresor des deux langues françoise et espagnolle, dont la première édition fut publiée en 1607 et donna lieu à de multiples rééditions et mises à jour1 : ce fut, en effet, l’un des premiers dictionnaires bilingues « espagnol-français » et « français-espagnol » qui, de par son ampleur2, se démarquait considérablement des glossaires bilingues, au nombre d’entrées assez réduit, qui circulaient jusqu’alors3. Le Tesoro… de César Oudin, comme tous les dictionnaires et recueils lexicographiques anciens, est précieux par la connaissance qu’il nous donne, grâce aux termes qu’il recense, des us et coutumes d’antan. Dans le cas du dictionnaire d’Oudin, ce sont tous les aspects de la vie dans l’Espagne du XVIIe siècle qui sont évoqués et présentés, au fil de ses entrées successives, aux lecteurs français de l’époque4. La difficulté majeure qui surgit pour les chercheurs d’aujourd’hui désireux de se pencher sur un aspect donné des usages en vigueur dans l’Espagne des Austrias menores tel qu’il apparaît dans le dictionnaire de César Oudin réside dans le fait qu’un tel ouvrage contient un discours éclaté induit par l’ordre alphabétique qui régit son organisation. Dans le cadre de cette étude qui cherche précisément à cerner, à partir du contenu du Tesoro…, les habitudes alimentaires des Espagnols du Siècle d’Or5, un travail de reconstitution de ce discours éclaté, caractéristique de ce dictionnaire, doit être préalablement mené. Ce n’est qu’une fois ce travail réalisé que le Tesoro… pourra nous livrer mille détails sur les mets, les boissons, les plaisirs de la table et tant d’autres usages liés à l’alimentation dans l’Espagne du XVIIe siècle.
1. Le Tesoro… : un discours éclaté qu’il convient de reconstituer
Est-il possible de déterminer les habitudes alimentaires des espagnols au XVIIe siècle en se fondant sur le contenu d’un dictionnaire tel que le Tesoro… de César Oudin ? Cela n’est faisable qu’en lisant de bout en bout cet ouvrage. Comme l’a indiqué à juste titre – et avec une bonne dose d’ironie – François Géal, à propos du Tesoro de la lengua castellana (1611) de Sebastián de Covarrubias,
Il y a quelque folie à lire d’un bout à l’autre un dictionnaire. Ce parcours permet pourtant de rassembler et de retrouver, au-delà de la discontinuité des mots, la continuité d’un discours (Géal, 1994, p. 147-148).
À son tour, quelques années plus tard, Dominique Reyre précisait :
[…] le dictionnaire est […] un texte à caractère didactique, normatif et idéologique puisque l’auteur y fait entendre sa voix et ses préférences (stylistiques, religieuses, politiques, etc.). De ces aspects spécifiques au texte lexicographique découle un principe d’analyse fondamental : la nécessité de regrouper les définitions relatives au thème étudié. C’est ainsi que l’on peut reconstruire le continuum d’un discours personnel et unique (celui de l’auteur), qui a été brisé, interrompu et mis en désordre par l’ordre alphabétique. La tâche essentielle de l’analyse du contenu textuel du dictionnaire consistera donc à retrouver la logique interne d’un discours (ou ses contradictions), ses articulations et sa progression (Reyre, 2002, p. 276).
C’est une même constatation qui a aussi été faite par Marie-Hélène Maux-Piovano :
[…] si l’on considère tout texte écrit, quel qu’il soit, comme un acte de communication que l’auteur adresse à son lecteur, on doit alors admettre que les recueils lexicographiques […] transmettent un message aussi digne d’être étudié que n’importe quel autre texte (Maux-Piovano, 2006, p. 83).
À la différence d’un texte « traditionnel » au sein duquel les idées s’enchaînent selon un discours ordonné, structuré et pensé par un auteur, le « discours » contenu dans le Tesoro… de César Oudin, comme dans tout autre dictionnaire, dépend donc d’une structure organisationnelle fondée sur une succession d’entrées soumises à l’ordre alphabétique. Un tel ouvrage correspond par conséquent à un discours morcelé que, tel un puzzle, il convient de reconstituer.
Nous avons constaté que cette reconstitution rendait tout à fait possible l’étude sur les usages alimentaires dans l’Espagne du XVIIe siècle que nous prétendons mener ici. Pour ce faire, il a fallu mettre fin, par des regroupements d’entrées relevant de thématiques similaires, à l’« éclatement » du discours qui, comme on l’a vu, résulte des contraintes imposées par l’ordre alphabétique. Une telle démarche nous a donc d’abord contraint de commettre la « folie » évoquée par François Géal et de lire la totalité des pages de la partie « espagnol-français » de ce volumineux dictionnaire, tout en relevant systématiquement tous les éléments qui ont trait à notre recherche. L’étape suivante a consisté à pratiquer un regroupement judicieux des notions ainsi rencontrées. Cela nous a alors permis de disposer non plus d’un discours fragmenté, mais d’un énoncé qui, désormais, fait sens et présente un vaste ensemble de données sur les habitudes alimentaires dans l’Espagne du Siècle d’Or.
2. Le Tesoro… et la fiabilité des traductions proposées par César Oudin
Déterminer le degré de fiabilité des traductions proposées par Oudin et évaluer sa réelle connaissance des usages alimentaires dans l’Espagne de son temps ont été des préalables essentiels à cette étude.
On constate tout d’abord que notre lexicographe est souvent capable de donner l’équivalent parfait en français d’un terme espagnol, même dans un domaine aussi pointu que la classification des fruits et légumes. Il en est ainsi lorsque, par exemple, il propose à juste titre « pomme d’amour » comme équivalent français de « berengena » ou quand il donne la traduction « choux crespu, ou Romain » pour « berça crespa ». Mais ce n’est cependant pas toujours le cas et on le sent parfois incapable de trouver un équivalent précis pour certains produits alimentaires, d’où des formulations débutant par des tournures telles que « (Une) sorte de… », « (Une) espèce de… » « Certain(e)… ». Ainsi, dans le domaine des poissons, les traductions qu’il offre à ses lecteurs sont parfois très vagues : pour le terme « boliche », il se contente d’indiquer « Une sorte de petit poisson (…) » ou pour celui de « bogo », il se limite à « Certain poisson, qui est blanc & comme argenté ». De même, en ce qui concerne les fruits, pour le terme « baheda », il ne peut proposer que l’explication très approximative « Espèce de melon, qui a la chair fort tendre & aqueuse », tout comme pour « burjasotas » qui donne lieu à la formulation « Sorte de figues tardives, petites & fort douces ».
On voit donc que l’auteur du Tesoro… éprouve parfois des difficultés pour trouver l’équivalent français d’un terme espagnol donné. Dans le meilleur des cas, il parvient à renvoyer ses lecteurs à des référents culturels et/ou usages qu’ils connaissent : ainsi, l’allusion aux pains que l’on trouve à Paris et à Gonesse lui paraît pertinente pour expliquer le mot « bolla » qu’il définit comme étant « un petit pain, eslevé & enflé comme on fait le pain long & rond à Paris, & à Gonesse ». Mais lorsqu’un tel référent n’existe pas, il lui est quasiment impossible de traduire certaines réalités propres à l’Espagne, d’où les périphrases explicatives que nous avons vues ci-dessus dans le cas de certains poissons et de certains fruits et que l’on trouve également dans beaucoup d’autres domaines, en particulier pour les plats typiques espagnols. Ainsi, pour le célèbre mets « duelos y quebrantos » qui apparaît dès les premières lignes du Quichotte, Oudin fournit à ses lecteurs la phrase explicative « Façon de parler en Espagne, pour signifier des œufs & du lard gras, viande qui se mange le samedy » qu’il complète curieusement par « & parce que l’origine de cette phrase seroit trop long à escrire, je laisse aux curieux à s’en informer ».
Enfin, signalons qu’il arrive parfois à Oudin d’être trop imprécis pour certaines de ses traductions. C’est ce que l’on constate à propos du vocable espagnol « salpicón » dont il donne pour équivalent français le terme « saulpiquet ». Or si le « salpicón » correspond en Espagne à une viande hachée et salée, comme l’indique le lexicographe Sebastián de Covarrubias6, le saulpiquet (ou saupiquet) français est en fait le nom d’une « sauce piquante qui accompagne du gibier [et] du bœuf », même s’il peut également désigner « par métonymie le plat lui-même » (Rey, 2012, p. 3238), un double sens que César Oudin n’indique pas assez clairement. On trouve aussi sous sa plume des traductions exactes, certes, mais qui ne sont pas assez développées : dans le cas du célèbre « manjar blanco », il se contente de donner l’équivalent « blanc manger » sans indiquer en quoi consistait ce mets7. À sa décharge, il est vrai que son Tesoro… n’était pas une encyclopédie tenue à de longs développements et que son but consistait à fournir à ses compatriotes un outil lexicographique et rien de plus.
Quoi qu’il en soit, hormis quelques inexactitudes ou l’absence de précisions à propos de la composition de certains plats, la riche « moisson » de vocables et expressions que nous avons obtenue par la lecture intégrale du Tesoro… témoigne globalement de la bonne connaissance qu’avait Oudin de l’Espagne de son temps et des pratiques alimentaires de ses habitants. Nous savons qu’il avait lu les auteurs espagnols les plus divers, comme l’attestent les allusions à leur sujet qu’il fait au fil des pages de son dictionnaire (il évoque en particulier Rojas, Cervantès, Boscán, Guevara et Huarte de San Juan, dont certains écrits contiennent des passages où ils abordent divers aspects culinaires propres à leur pays8). De plus, il est vrai que, contrairement à d’autres auteurs de dictionnaires bilingues « espagnol-français », Jean Pallet par exemple, il a vraiment fait le voyage d’Espagne en 1610, d’où un contact direct avec ce pays et ses us et coutumes alimentaires9. Par conséquent, son savoir à propos de tout ce qui a trait à l’alimentation outre-Pyrénées est étendu, même quand il ne parvient pas à fournir une traduction précise pour certains des termes qu’il répertorie dans son dictionnaire, se contentant alors d’une périphrase explicative, ou encore lorsque, très ponctuellement, l’une des traductions qu’il propose manque de précision.
3. Le Tesoro… et l’alimentation : un lexique abondant, des graphies fluctuantes
Comme on l’a vu, la lecture systématique du contenu du Tesoro… révèle qu’il recense une très grande quantité de termes et formulations relatives à l’alimentation dans l’Espagne du XVIIe siècle. Si l’on considère cette notion au sens large, elle correspond aux lieux où l’on vendait des produits comestibles, à ceux où on les cuisinait et où on les mangeait, aux nombreux métiers de bouche qui existaient alors dans ce pays, ainsi qu’aux ustensiles nécessaires à la préparation des mets (marmites, casseroles…), aux tables et à leur agencement (nappes, couverts, vaisselle…) et aux aliments, mets et boissons que l’on consommait alors.
Avant d’aborder d’une façon détaillée ces différents aspects, une première remarque s’impose : le Tesoro… respecte les transcriptions différentes d’un même son, en particulier le« b » et le « v ». Par conséquent, ces mots contenant l’une ou l’autre de ces lettres figurent à deux endroits différents de ce dictionnaire, sous leurs deux graphies mais avec, bien entendu, une traduction identique : c’est par exemple le cas du doublon « amílbar » et « almívar ».
La seconde remarque est que ce dictionnaire bilingue a été rédigé à une époque où la langue espagnole connaissait des évolutions dans le domaine de la prononciation de certains sons, ce qui entraînait des variations dans les graphies de nombreux vocables. Ces graphies fluctuantes, en grande partie reflets de ces sons en pleine transformation, ont souvent conduit César Oudin à recenser un même mot sous ses diverses formes du fait de ces mutations orthographiques et phonologiques. Par conséquent, on peut trouver dans ce dictionnaire des doublons tels que « artesilla » et « artezilla », « açafrán » et « azafrán », « acedía » et « azedía », « aloja » et « aloxa », etc. Ces termes, du fait des contraintes de l’ordre alphabétique, apparaissent donc, avec une traduction quasiment similaire, à deux reprises dans des pages différentes du Tesoro… Bien entendu, dans les développements qui suivent, nous avons pris en compte l’existence de ces formes redondantes et avons respecté scrupuleusement la graphie de chacune d’elles.
4. Le Tesoro… et l’alimentation espagnole au XVIIe siècle10
4.1. Lieux et usages relatifs à l’alimentation
Le Tesoro… de César Oudin réunit un vaste corpus de substantifs correspondant aux divers lieux destinés à la préparation des repas ou à leur dégustation. Parmi eux, on relève d’abord, comme il se doit, la cuisine : cocina [« Cuisine » (fol. I8v°)] et Cozina [« Cuisine » (fol. L3v°)] avec son tajón [« (…) table de cuisine » (fol. Ii2)], la arca del pan [« Le coffre, ou la huche au pain (…) » (fol. D2)], la artesilla ou artezilla [« Un auget, un petit auge ou huche à pestrir la paste » (fol. D5v°)], etc. On trouve également dans ce dictionnaire le comedor [« Un lieu à manger » (fol. K2v°)], le tinelo [« La sale du commun aux maisons des Grands » (fol. Ii6v°)], autrement dit le réfectoire des domestiques qu’il y a dans les riches demeures et, dans le cas des couvents et abbayes, Oudin répertorie le refectorio [« Refectoire, le lieu où les Religieux boivent & mangent » (fol. Ffv°)].
Des meubles indispensables sont présents en ces lieux où l’on mange : aparador [« Dressoir, buffet » (fol. C7v°)], ataifor [« Un buffet, ou contoir, dressoir (…) » (fol. D8)], mesa [« Table » (fol. Z7v°)], enfriadera [« Rafraischisoir » (fol. P5v°)], qui apparaît également sous la forme refrescadero [« Rafraischisoir » (fol. Ff2)].
Les activités liées aux arts de la table donnent lieu à diverses entrées du Tesoro… : assentar la mesa [« Mettre le couvert » (fol. D7)], assentarse a la mesa [« S’asseoir à table » (fol. D7)], escudillar la olla [« Dresser les potages & ce qu’il y a en la marmitte » (fol. Q6v°)], alçar los manteles [« oster la nappe, oster le couvert, achever de disner ou soupper » (fol. B5v°)].
Les différents repas de la journée figurent également dans le Tesoro… sous forme de verbes à l’infinitif et/ou de substantifs : yantar [« Disner, c’est un ancien mot castillan » (fol. Ll8v°)] et yantar [« Le disner11 (…) » (fol. Ll8v°)] ; almorçar/almorzar [« Desjeuner » (fol. C)] et almuerço ou almuerzo [« le desjeuner » (fol. C)] ; merendar [« réciner12, gouster, banqueter ; quelques uns disent faire collation, mais la collation se fait après souper » (fol. Z8)] et merienda [« Le réciner, le gouster » (fol. Z8)] ; cenar [« Souper, banqueter » (fol. Iv°)] et cena [« Le souper, (…) le banquet » (fol. Iv°)] ; colación [« Collation, gouster, banquet, beuvette » (fol. K)]. De plus, certaines entrées révèlent des usages propres à l’Espagne : día de grossura [« C’est le samedy, à cause que c’est le jour qu’on mange en Espagne les tripes des bestes, & les autres menues despouilles, à sçavoir la teste, les pieds, & la fressure » (fol. T5)] et hazer media noche [« Un grand abus que font aucuns, qui attendent que minuit soit sonné le Vendredy, pour manger un bon potage ou fricassée des menuailles des bestes, qui se mangent en Espagne le Samedy, & n’ont pas la patience d’attendre le jour » (fol. Aa8)].
Le dictionnaire de César Oudin recense aussi, sous diverses formes, les endroits dans lesquels les vivres et le vin sont conservés : cillero [« Celier ou despense, où l’on serre ce qui est de la provision, un garde-manger, il se prend aussi pour le celier où l’on met le vin » (fol. I6)], despensa [« (…) un selier ou despense à serrer les provisions, un garde-manger, c’est dans les grandes maisons une office » (fol. N5)], repostería [« (…) despense, office » (fol. Ff5v°)], bodega [« Celier ou cave à vin (…) » (fol. F4v°)] et botillería [« Sommelerie » (fol. F6v°)], c’est-à-dire le lieu où le sommelier range le vin.
Les lieux publics où l’on pouvait se rendre pour boire ou manger ne sont pas oubliés par notre lexicographe qui propose les entrées venta [« Taverne, ou hostellerie en campagne » (fol. Ll2)], mesón [« Hostellerie, taverne (…) » (fol. Z8)], posada [« (…) hostellerie » (fol. Dd4)], bodegón [« Taverne, cabaret, où se vend le vin & autres choses à manger » (fol. F4v°)], alegreza & alegría [« (…) en jargon13, la taverne14 » (fol. B6)].
À côté de ces espaces destinés à la restauration, Oudin dresse aussi la liste de la plupart des commerces de bouche : carnicería [« Boucherie (…) » (fol. H3)], panadería [« Boulangerie » (fol. Bb7)], tripería [« Triperie, le lieu où se vendent les tripes » (fol. Kk5)], pescadería [« Poissonnerie (…) » (fol. Cc7)] ou pescadera tienda [« Boutique à poisson » (fol. Cc7)], confitería [« Boutique de confiseur » (fol. K5)], etc. Les achats de produits destinés à l’alimentation pouvaient aussi se faire dans divers types de marchés : mercado [« Le marché, la place où l’on vend et achepte » (fol. Z7v°)], açoguejo [« (…) petit marché » (fol. A6)], almuñécar [« Marché où l’on vend les raisins, c’est aussi le nom d’une ville » (fol. C)], pescadería [« (…) marché de poisson » (fol. Cc7)], zoco [« Une place où l’on tient le marché (…) » (fol. Mm2)].
4.2. Métiers de bouche et pratiques culinaires
En lien avec les vocables qui viennent d’être évoqués, plusieurs métiers de bouche sont documentés dans le Tesoro… C’est ainsi que César Oudin propose dans son dictionnaire de nombreuses entrées qui correspondent à des fonctions variées, parfois très modestes (les souillons de cuisine, par exemple), d’autres fois plus élevées (comme certains échansons qui sont au service des grands de ce monde, aristocrates, monarques et princes) : cozinero [« Cuisinier, qui fait la cuisine, il se prend aussi pour le Rostisseur & Pasticier » (fol. L3v°)], avec son équivalent au féminin, cozinera [« Cuisinière » (fol. L3v°)], sollastre [« Soüillon de cuisine, marmiton » (fol. Hh5)], pícaro de cozina [« Marmiton, soüillon de cuisine » (fol. Cc8)], mastresala [« Maistre d’Hostel, celuy qui assied la viande sur la table (…) » (fol. Z4v° (fol. Y7v°)], architriclino [« Maistre d’Hostel, ou Escuyer de sale » (fol. D2v°)], copero [« Sommelier, coupier, eschançon, celuy qui sert à boire à table » (fol. K8)], sumiller [« Sommelier, eschançon » (fol. Hh8)], repostero [« Celuy qui a la charge de la vaisselle d’argent, & qui couvre la table ; c’est aussi le sommelier et le panetier en certaines maisons médiocres » (fol. Ff5v°)], escanciador & escanciano [« Eschanson, c’est celuy qui verse le vin au Roy ou Prince » (fol. Q4)], despensero [« Despensier, officier de la despense, argentier » (fol. N5)]15.
Oudin signale aussi d’autres professionnels de l’alimentation qui exerçaient leur métier dans toutes les villes espagnoles d’alors : figón [« Vendeur des choses bonnes à manger, espèce de Cabaretier, Rostisseur » (fol. S)], bodegonero [« Tavernier, cabaretier, (…), hoste qui vend le vin & autres choses » (fol. F4v°)], especiero [« espicier, qui vend l’espice » (fol. Q8)], verdurera [« Herbière qui vend de la verdure & des herbes potagères » (fol. Ll3)], carnicero [« Boucher » (fol. H3)], acecinador ou acechinador [« Un chaircuitier, un qui vend de la chair salée & fumée » (fol. A4)], panadero [« Panetier & boulanger » (fol. Bb7)], avec son pendant féminin, panadera [« Boulangère » (fol. Bb7)], artifero [« Boulenger, en jargon16 » (fol. D5v°)], atunero [« Vendeur de thon et de thonnine » (fol. E2)], açacán ou aguadero [« Porteur, & vendeur d’eau » (fol. A6)], aguador [« Porteur d’eau » (fol. Bv°)], añacales [« Porteurs de pain » (fol. C6v°)], becerrera [« Vendeuse de choux, herbière » (fol. F2)], biscochero/bizcochero [« Vendeur de biscuit » (fol. F3 et fol. F3v°)], tripera [« Tripière, vendeuse de tripes » (fol. Kk5)], attestée également sous la forme masculine tripero [« Tripier, vendeur de tripes » (fol. Kk5)], frutero ou frutera [« Fruitier ou fruitière, celuy, ou celle qui vend du fruit » (fol. S5)], quesero [« Faiseur ou vendeur de fromage (…) » (fol. Ec3v°)], pescadero [« Poissonnier, vendeur de poisson » (fol. Cc7)] et pescadera [« Poissonnière, vendeuse de poisson » (fol. Cc7)], etc.
Les activités et pratiques culinaires de ces professionnels sont évoquées dans un grand nombre d’entrées du Tesoro… Ce sont essentiellement des verbes à l’infinitif ou des locutions verbales qui correspondent à des actions allant des plus générales aux plus précises : cozinar [« Cuisiner, faire la cuisine » (fol.L3v°)], adobar manjares [« Acoustrer à manger » (fol. A7)], guisar manjares [« Assaisonner les viandes, cuisiner, faire la cuisine, apprester les viandes, faire des sausses » (fol. T6v°)], espetar carne [« Embrocher de la chair, mettre en la broche » (fol. Q8v°)], hornear [« faire cuire au four » (fol. V5)], socarrar [« Mal rostir quelque viande, la faire brusler d’un costé, & de l’autre n’avoir pas senty le feu (…) » (fol. Hh4)], acecinar [« saler de la chair » (fol. A4)], salpresar [« Saler, faire prendre sel à une viande » (fol. Gg5v°)], mechar [« (…) larder de la viande » (fol. Z6)], açafranar [« Saffraner, jaunir avec du saffran » (fol. A6)], atocinar un puerco [« Couper un pourceau par pièce pour le saler » (fol. E)], manir la carne [« Faisander, mortifier, attendrir, garder d’aujourd’hui pour demain, afin de s’attendrir » (fol. Z2)], escamar [« Escailler, oster les escailles » (fol. Q4)], rebanar [« couper par trenches » (fol. Ee6v°)], quesar [« faire des fromages » (fol. Ec3v°)], açucarar [« Sucrer » (fol. A6v°)], alfeñicar [« Sucrer avec du sirop & du sucre fondu » (fol. B6v°)], almivarar ou almivarear [« Confire avec du sucre, sucrer, confire en composte » (fol. C)], aguar vino [« Mettre de l’eau au vin, tremper le vin, tempérer avec de l’eau » (fol. Bv°)]. On savait cuisiner à l’étouffée, c’est-à-dire dans un récipient le plus hermétique possible afin que la vapeur puisse faire son œuvre. Ce type de cuisson est attesté dans le Tesoro… par les entrées abahado [« (…) cuit à l’estuvée, comme entre deux plats, sans que la fumée ou vapeur en sorte » (fol. A)] et ahogada carne ou estufada [« Chair pour rôtir, c’est cuite entre deux plats, à l’estuvée » (fol. B2v°)].
4.3. Cuisson, ustensiles de cuisine et vaisselle
Les multiples activités que nous venons d’évoquer ne pouvaient être pratiquées qu’au moyen de divers types de cuisson et en utilisant certains ustensiles de cuisine. Là encore, César Oudin nous fournit un vocabulaire d’une très grande richesse.
La cuisson se faisait généralement dans une cheminée : chiminea [« Cheminée » (fol. I4v°)] dans laquelle on pouvait placer la acetra [« Un seau, ou autre vase à mettre de l’eau, fait de cuivre, un coquemar17 » (fol. A4v°)]. Parfois, on utilisait l’alnafe [« Une terrine ou fourneau de terre ou de fer à mettre au feu, & de la braise pour faire boüillir le pot, une huguenotte18 » (fol. Cv°)] ou une almofía [« Une terrine ou un fourneau à faire du feu, à faute de cheminée » (fol. C)]. Toutefois, pour saisir les viandes et les rôtir, c’est l’usage du horno [« Un four, un fourneau » (fol. V5)] qui était préconisé. Pour allumer le feu, on utilisait des mèches soufrées pour lesquelles Oudin indique les termes suivants : alguaquidas [« Allumettes » (fol. B6v°)], aluquete [« Une allumette (…) » (fol. C2)], aulaquidas [« Allumettes » (fol. E3)].
En cuisine, la préparation des mets nécessitait l’usage d’une multitude de plats, terrines, pots, poêles et marmites, que recense parfaitement le dictionnaire de César Oudin : barrreño ou barreña [« Un bassin ou vaisseau de terre, une jatte, une terrine bien grande » (fol. E8)], barros [« Des pots & vaisseaux de terre, façonnez en plusieurs sortes » (fol. E8)], olla [« Un pot de terre ou de fer, une marmite à faire cuire de la chair & autres choses, c’est aussi le potage & la chair tout ensemble, en Gascogne on dit une Oule19 » (fol. Bb3)], açofayna [« Une sorte de terrine plombée, on en fait à Talavera20 » (fol. A6)], ajufayna, atayfor ou almofia [« Escuelle fort creuse et sans bords, une sorte de terrine » (fol. B3)], alfajana ou ajufayna [« Une sorte d’escuelle ou terrine creuse » (fol. B7v°)], tortera [« Une tourtière à faire des tourtes, on y peut aussi cuire des pastés » (fol. Kk)], albornía [« Une poisle ou terrine à mettre du laict ou autre chose » (fol. A4, mais en réalité fol. B421)]…
À côté de ces objets, figurent également tout ce qui était nécessaire pour pétrir, piler, trancher, rôtir, etc. Dans ces domaines, le Tesoro… contient également un grand nombre de termes dont almirez [« Un mortier de métal à piler de l’especerie, ou autre chose » (fol. C)], mortero [« Mortier de pierre ou de fonte dedans lequel on pile & bat quelque choses » (fol. Aa4)], majadero [« Pilon » (fol. Y8)], amassijo [« Huche à pestrir la paste » (fol. C3)], artesa [« Une huche a pestrir » (fol. D5v°)], assador [« Broche à rostir » (fol. D6v°)], tajador [« (…) un trenchoir, (…) » (fol. Ii2)], cucharón [« Une grande cueillier » (fol. L5v°)], c’est-à-dire une louche, etc.
Une fois préparés, les mets étaient présentés à table dans des plats de toutes sortes, désignés par le terme générique vajilla [« Vaisselle » (fol. Kk6v°)] ou baxilla [« Vaisselle, soit d’argent, ou d’autre matière » (fol. F)]. Bien entendu, dans les foyers les plus humbles, la présence de la hortera [« Une escuelle de bois » (fol. V5v°)] était de mise. Ailleurs, pour le service de la table, on usait de ce que César Oudin nomme, selon l’usage de l’époque, des « vaisseaux ». Le Tesoro… répertorie une fois de plus un certain nombre de vocables pour désigner plats et assiettes : plato [« Un plat, escuelle, assiette » (fol. Dd2)], bote [« (…) vaisseau » (fol. F6v°)], tablilla [« (…) assiette (…) » (fol. Iiv°)], ataifor [« Un grand plat, ou une escuelle profonde & creuse, avec des bords, où l’on sert des viandes, accoustrées avec des boüillons & potages » (fol. D8)], tajador [« (…) un plat de bois à couper la chair pour servir à table, comme on fait en quelques lieux d’Espagne22 (…) » (fol. Ii2)]. On mangeait avec les doigts ainsi qu’avec la cuchara [« Une cueillier » (fol. I5v°)] et le cuchillo [« couteau (…) » (fol. I5v°)] ou le cuchillejo [« Coutelet, petit couteau » (fol. I5v°)]. La fourchette n’était alors en usage que dans certaines grandes maisons, au point que celle que recense Oudin ne pouvait être qu’en argent : tenedor [« Une fourchette d’argent dequoy on se sert à table pour prendre et servir la viande, & aussi pour la trencher » (fol. Li5)].
Pour la boisson, on utilisait brocs, pichets, verres et coupes qui apparaissent également dans le Tesoro… : açarcón [« Une cruche » (fol. A6)], barrañón [« Une grande cruche de terre » (fol. E6v°)], cántaro [« Un vaisseau de terre à mettre de l’eau, une cruche ; il se peut aussi prendre pour un pot à vin, un broc » (fol. G8)], cantarillo [« Un petit broc, une petite cruche » (fol. G8)], cantimplora [« Chantepleure, c’est une sorte de bouteille quasi en forme d’un bocal, qui a le goulet fort long, & le bas fort plat, afin de mettre de la glace, ou neige dessus, pour rafraîchir le vin qui est dedans (…) » (fol. G8)], jarro [« Un pot à mettre de l’eau ou du vin, vaisseau » (fol. V7)], jarro de plata [« Une aiguière d’argent » (fol. V7)] (en usage dans les riches demeures), alcarrança ou alcarraza [« Vaisseau de terre, comme une cruche, un vase blanc à boire de l’eau » (fol. B5)], bernegal [« Une sorte de vaisselle de terre vernissée, qui sert à boire de l’eau » (fol. F2)], copa [« Coupe, vaisseau à boire, tasse, un verre (…) » (fol. K8)], vaso [« (…) pot, un verre à boire » (fol. Kk6v°)].
4.4. Aliments et mets
4.4.1. Le pain
Dans l’Espagne du Siècle d’Or, comme dans toute l’Europe de l’époque, le pain constituait la nourriture de base. Cet aliment est décliné sous toutes ses formes dans le Tesoro… : pan blanco, candial ou candeal [« Pain blanc, pur froment » (fol. Bb7)], pan de somas [« Pain bourgeois, gros pain » (fol. Bb7)], pan baço [« pain bis, pain noir » (fol. Bb7)], pan de afrecho [« pain de son » (fol. Bb7)], pan cenceño [« pain sans levain » (fol. Bb7)], pan floreado [« pain bien cuit, avec la crouste bien rousse, & qui n’est point blaffart pour estre peu cuit, ny noir ou tanné de trop bruslé ou havy (fol. S2v°)], également défini comme « pain de fleur de farine » (fol. Bb7), mollete [« pain molet » (fol. Aa3)] également appelé pan de leche [« Pain molet en Espagne » (fol. Bb7)], ou encore le pan de botona [« Pain de Mores » (fol. Bb7)]. Cette allusion aux Mores ou la précision « en Espagne » à propos du pain mollet nous rappelle, une fois de plus, l’importance que César Oudin accordait aux spécificités de ce pays, en particulier dans le domaine de l’alimentation. Il différencie le pan reziente [« Pain frais, pain tendre » (fol. Bb7)] du pain moisi pour lequel il propose la locution verbale ahilarse el pan [« Se moisir le pain » (fol. B2)], expressions auxquelles César Oudin ajoute le pan olivado [« pain mal levé » (fol. Bb7)]. Notre auteur n’oublie pas de préciser que le pain entrait dans la composition d’une préparation culinaire très prisée dans les campagnes grâce à son coût peu élevé et à sa réalisation fort simple, les migas de pan cozido [« De la boüillie faite de mie de pain, d’huile, d’eau, de sel & d’aulx » (fol. Z8v°)] qu’il qualifie de « viande de paysan » (fol. Z8v°) du fait de son caractère roboratif. Enfin, grâce à l’entrée condumio [« Ancien mot de païsan, & signifie le companage, qui est tout ce qu’on mange avec le pain » (fol. K5)], César Oudin souligne bien le rôle capital que jouait alors le pain dans le monde de la paysannerie.
4.4.2. La viande23
Outre les vocables carne [« Chair » (fol. H3)] et vianda [« Viande (…) » (fol. Ll4)] pour désigner cet aliment, Oudin propose aussi le terme générique servant à désigner toutes sortes de plats carnés : guisado [« Un plat de viande acoustré en quelque façon que ce soit, (…), une viande assaisonnée » (fol. T6v°)]. Puis il prend le soin de dresser un catalogue des nombreuses recettes espagnoles à base de viande, parmi lesquelles se trouve en bonne place la fameuse olla podrida [« Pot pourry, assaisonnement de plusieurs viandes ensemble » (fol. Bb3)]. Ce plat porte ce curieux nom car l’adjectif podrida proviendrait de poderida, c’est-à-dire « fort », « puissant », du fait des nombreux ingrédients qui pouvaient composer ce plat : c’est ainsi que sur les tables les plus opulentes il réunissait diverses viandes fort riches (poule, jambon, mouton, bœuf, saucisses…) auxquelles s’ajoutaient des épices, ainsi que des légumes, des haricots, des pois chiches, etc. On trouve également dans le Tesoro… les mets suivants réalisés avec diverses viandes : adobo [« Certaine chair salée, soit de porc, ou de bœuf, & qui est accoustrée avec de l’ail » (fol. A7)], alexixa [« Une sorte d’andoüille » (fol. B6)], albondiga [« Andoüiellette ou boullette de chair hachée » (fol. B4, mais en réalité A4)], albondiguilla [« Andoüiellette petite » (fol. B4, mais en réalité A4], etc. La viande se conservait en salaison comme le montrent les entrées cecinar [« Saler de la chair » (fol. H8v°)] et cecina [« Chair salée, & seiche » (fol. H8v°)].
Dans l’Espagne du XVIIe siècle, la volaille était une viande très appréciée du fait de sa finesse et des vertus qu’on lui attribuait en faveur de la santé. Toutefois son prix, qui n’était pas à la portée de toutes les bourses, faisait qu’elle était souvent réservée à une certaine élite ou aux malades. Le vocable pour la désigner était ave [« Oiseau » (fol. E2v°)], mais, comme le précise César Oudin, ce mot pouvait aussi avoir un sens plus restreint car il « se prend (…) en Espagne pour une poule » (fol. E2v°)]. Parmi les autres volatiles, Oudin évoque l’ave de cuchar [« Tout oiseau, qui a le bec large, comme les oyes & les canes » (fol. E2v°)], le pavo de India [« Un coq d’Inde » (fol. Cc2v°)], c’est-à-dire le dindon venu du Nouveau Monde, l’anade [« cane, ou canard » (fol. C4v°)], le pato [« Une oye (…) » (fol. CC2v°)] ou encore la perdiz [« Perdrix » (fol. Cc5v°)]. Le Tesoro… nous indique par le verbe aperdigar [« Faire revenir une volaille (…) sur la braise, ou bien en de l’eau boüillante, pour la rostir par après en la broche » (fol. C8)] que la cuisson des volailles se faisait en deux temps, d’abord sur la braise ou dans l’eau bouillante, puis à la broche, d’où le participe passé aperdigado [« Revenu sur la braise ou en l’eau, grillé » (fol. C8)]. Parmi les préparations à base de volailles, il y avait la pepitoría [« Un mets ou fricassée de gésiers, foyes, bout d’ailes, teste & col de volailles » (fol. Cc5)], le manjar blanco [« Blanc manger » (fol. Z2)]24 ou encore la treballa de ansarones [« Une sorte de dodine, sausse qui se fait de blanc de chappon, amandes, espices, ail, œuf, & se sert sur les oisons » (fol. Kk4)].
Quant à la viande de porc, elle était sans conteste la plus consommée dans les milieux populaires car la moins chère. Plusieurs entrées du Tesoro… se rapportent à cette viande : jamؚón [« Jambon, c’est proprement le maigre du jambon & d’autre chair salée, mais principalement de chair de porc » (fol. V7)], pernil de tocino [« Jambon » (fol. Cc6)], lunada [« La fesse ou cuisse d’un jambon, le jambon mesme tout entier (…) » (fol. Y5v°)], etc. Parmi les plats à base de porc figure en bonne place le torrezno [« Un morceau de jambon rosty sur le grill, une carbonade25 » (fol. Kk)]. Rappelons que le fait de ne pas manger de porc correspondait à l’une des raisons qui pouvait provoquer l’intervention de l’Inquisition car on assimilait ce rejet à la pratique secrète du judaïsme chez certains nouveaux-chrétiens (cryptojudaïsme) ou à celle de la religion musulmane chez les morisques, même dans les cas où c’était totalement infondé26.
Enfin, le mouton, viande qui comme le porc était assez bon marché, donnait lieu à diverses préparations culinaires qui nous sont expliquées par César Oudin à l’occasion de plusieurs entrées de son dictionnaire, parmi lesquelles bandujo ou bondejo relleno [« Une panse de mouton (…) farcie & remplie de quelque bonne chose (…) » (fol. E6v°)] et xigote [« Un gigot ou esclanche, ou de mouton » (fol. LL.8)], ce dernier terme donnant lieu à une autre définition : xigote [« C’est proprement un hachis fait de mouton, & principalement d’une esclanche » (fol. Ll8)].
4.4.3. Le poisson
Ce produit de la pêche jouait un rôle essentiel car il était présent sur les tables les jours où l’on faisait maigre, c’est-à-dire le vendredi et pendant le Carême : comme on l’a vu dans le cas de la viande de porc, n’oublions pas que le poids très important de la religion avait des répercussions sur les habitudes alimentaires. Dans les milieux les plus riches, il s’agissait de poisson frais, transporté depuis les côtes du pays (on utilisait alors de l’eau salée et de la glace pour le conserver durant le voyage). Dans les familles plus modestes, on se contentait de poisson qui avait été conservé par divers procédés – séchage, salaison ou fumage – comme le révèlent certaines entrées du Tesoro… : Abadexo [« De la molüe, ou morüe sèche (…) » (fol. A)], pescado cecial [« Poisson salé, comme morüe, merlus ou stocfisch, ou saleure, poisson qui est seiché au vent de bise, ou autre vent froid » (fol. H8v°)], pescada en rollo [« Les merlus que l’on fait seicher au vent » (fol. Cc6v°)], arenque humado [« harenc soret, harenc sor » (fol. D2v°)], sardina arencada [« Une sardine seiche comme le harenc soret » (fol. D2v°)].
L’Espagne, avec ses diverses façades maritimes, était un pays où la pêche était très développée, d’où l’abondance des variétés de poissons qui figurent dans le Tesoro… : mugle [« Un poisson appellé Muge ou mulet » (fol. Aa5v°)], alosa [« Poisson nommé Alose » (fol. Cv°)], atún [« Le thon, poisson de mer, la thonnine » (fol. E2)], Aleche [« Anchois » (fol. B6)], bacallao [« De la morüe, ou molüe ; c’est proprement celle qui n’est pas salée : quelques uns la nomment du cabeillau, ou cabillau » (fol. E5)], arenque [« Harenc » (fol. D2v°)], Gal [« Un poisson appelé Dorée27 » (fol. S6)], luz [« Un brochet » (fol. Y5v°)], luz de mar [« Molüe ou moruë » (fol. Y5v°)], etc. Comme on l’a vu, il arrive que César Oudin ne parvienne pas à donner une traduction précise pour les noms de certains de ces poissons, d’où des approximations exprimées par la formule « une sorte de… » : acedia [« Une sorte de sole, ou pole, poisson » (fol. A4)], agón [« Une sorte de poisson, aiguillat » (fol. B)], aguja paladar [« Une sorte de poisson qui a le museau long & aigu, & de couleur verde, aiguille, aiguillat » (fol. B2)], alache ou aleche [« Célerin, une sorte de harang fort petit » (fol. B3)]. Parfois même, le Tesoro… ne propose que des formulations totalement vagues : c’est le cas, par exemple, pour les entrées besugo [« Certain poisson de mer » (fol. F2)] ou porcellera [« Une sorte de poisson de mer » (fol. Dd3v°)].
On notera que peu de détails nous sont fournis par le Tesoro… à propos de la manière dont ces poissons étaient cuisinés. On y trouve tout au plus une entrée qui évoque l’une des recettes d’alors : bañar el pescado en agua y sal [« Faire cuire le poisson avec de l’eau & du sel, que nous appellons, faire cuire au court boüillon » (fol. E6v°)].
4.4.4. Les fruits, légumes et crudités
Parmi les fruits recensés dans le Tesoro… se trouve bien évidemment l’olive, si typique de l’Espagne, qui est déclinée sous de multiples formes : azeytuna [« Olive » (fol. E4v°)], azeytuna verde [« Une sorte d’olive verte » (fol. E4v°)], azeytuna orcal o judieca [« Olive ordinaire & commune » (fol. E4v°)], azeytuna mançanilla [« Olive rondelette » (fol. E4v°)], azeytunas gordales [« Olives fort grosse » (fol. E4v°)], azeytuna azebuchales [« Olives sauvages » (fol. E4v°)], azeytuna çapatera [« Olive gastée, elle est ainsi appelée, parce qu’elle sent comme la semelle d’un soulier trempée, ou bien à cause qu’elle ressemble aux morceaux de poix du Cordonnier, dont il frotte son fil & chegros » (fol. E4v°)], azeytuna lechín [« Une sorte d’olive plus longue que les autres » (fol. E4v°)], azeytuna para moler [« Olive preste à froisser & à faire de l’huile » (fol. E4v°)] et azeytuna en curtido o adobada [« Olive confite » (fol. E4v°)].
Le « catalogue » des fruits qui figure dans ce dictionnaire se poursuit en donnant lieu à diverses entrées : Albarcoque ou alvarcoque [« Abricot » (fol. A4, mais en réalité B4)] avec sa variante albericoque [« Abricot » (fol. A4, mais en réalité B4)], Albudeca [« Une espèce de melons qui sont fades, aqueux & molasse, melons d’eau » (fol. B4v°)], baheda [« Espèce de melon, qui a la chair fort tendre & aqueuse » (fol. Ev°)], amacenas [« Grosses prunes, comme de perdigon28 » (fol. C2v°)], amexa [« Prune, fruit » (fol. C3v°)], ambrunesa [« Une espèce de cerises » (fol. C3v°)], amiésgado [« Des fraises ou freses » (fol. C3)], angurias [« Une sorte de pepons, melon d’eau29 » (fol. C5v°)], pera bergamota [« La poire de bergamote » (fol. F2)], uva [« Raisin, grape raisin (…) » (fol. Ll7v°)], etc. On constate que César Oudin se plaît à insister sur tous les fruits qui sont propres à l’Espagne : il cite la ville de Valence lorsqu’il évoque une variété de figues que l’on y trouve, albacora [« À Valence c’est une figue hastive » (fol. B3v°)] ; il fait allusion à la Vieille-Castille à propos d’un certain type d’amandes, almendrucos [« En Castille la vieille, ce sont des amandes vertes (…) » (fol. B8v°)] ; il fait une longue digression à propos de la bourgade d’Almuñécar quand il présente des raisins qui ne se récoltent que là-bas, uvas de Almuñécar [« Raisins longs. Almuñécar est un village du Royaume de Grenade, où croissent de tels raisins » (fol. Ll7v°)]. Pour l’adjectif « roso » qui s’applique aux fruits, il va même jusqu’à se lancer dans une longue explication sur son emploi en espagnol, tout en le mettant en contraste avec l’usage français : roso [« C’est le mesme que rojo, ou roxo ; mais c’est proprement du fruit qui est meur, ayant pris couleur jaune ou rousse. De là est venüe cette façon de parler, No dexar roso ni velloso, qui de mot à mot signifie, Ne laisser ny roux, ny velu ; que nous disons en François, N’espagner ny rais ny tondu. Mais en Espagnol il se doit entendre de ces fruits qui sont velus avant que d’estre bien meurs, comme sont les coings & les pavis ou milecoton ; & sembleroit qu’il fallust dire raso pour roso, afin de respondre à notre François raiz, qui est à dire rasé, mais velloso qui signifie velu, ne respondroit pas bien à tondu, estant son contraire ; tellement que chaque langue a son proverbe en particulier, & en effect c’est à dire employer le verd & le sec » (fol. Gg3)].
Dans le domaine des légumes et des crudités, on retrouve la même richesse lexicale qui, si l’on s’en tient à l’ordre alphabétique, va de acelga [« De la porée, des bestes » (fol. A4)] à yeros [« Espèce de légume » (fol. Ll8v°)], en passant par une multitude de termes parmi lesquels figurent verdura [« Verdure, tout ce qui est verd, & communément se prend pour les herbes qui croissent dans les jardins, comme laictues, raves, & autres semblables choses » (fol. Ll3)], alcaucí ou alcaucil [« Carde bonne à manger, cardon30 » (fol. B5)], alcarchofa ou alcachofa [« Artichaut » (fol. B5)], çanahoria [« Carotte, panet (…) » (fol. H8v°)], pepino [« Concombre » (fol. Cc5)], rábano [« Une rave » (fol. Ee3v°)]. Un traitement particulier est réservé au chou, très consommé en Espagne, et dont de nombreuses variétés sont présentées dans le Tesoro… : col [« Chou (…) » (fol. K)], berça [« Le chou (…) » (fol. F2)], berça crespa [« Chou crespu, ou Romain » (fol. F2)], berça colorada [« Chou rouge » (fol. F2)] ou berçuelas [« Des jeunes choux, des tendrons » (fol. F2)]. Enfin, César Oudin, habitué à mettre en avant les spécificités locales, insiste sur une appellation régionale du concombre, alpicores [« Au païs de Murcie signifie, des concombres » (fol. Cv°)], ou souligne le fait qu’un légume-fruit présent outre-Pyrénées était quasiment méconnu dans la France de son temps : berengena [« Pomme d’amour, certains fruict que nous n’avons point, ou rarement en France31 » (fol. F2)].
4.4.5. Épices, herbes aromatiques et condiments
La cuisine espagnole du Siècle d’Or, dans la continuité de celle du Moyen Âge, faisait appel à de nombreuses épices, herbes aromatiques et condiments. Le Tesoro … est le reflet fidèle de ces pratiques, d’où la présence des entrées alcaravea [« Une sorte de graine appelée Carvy » (fol. B5)], alcomenías [« Des menües espiceries, comme le cumin, anis, fenoüil, coriandre, moustarde & carvi » (fol. B5v°)], canela [« Canelle, bois de canelle ; c’est proprement l’escorce » (fol. G7v°)], clavo de girofe, ou clavo de especias [« Clou de girofle » (fol. I7v°)], gengimbre [« Du gingembre » (fol. Tv°)], moscada nuez [« Muscade, noix muscade » (fol. Aav°)], agenuz ou neguilla [« De la poivrette ou nielle, certaine graine noire » (fol. B)], bacas de laurel [« Fruict ou grain du laurier, bayes de laurier » (fol. E5)], eneldo [« Herbe nommée aneth » (fol. P5)], albahaca [« Du Basilique, nom d’herbe » (fol. B3v°)] ou alfabega [« Du basilique, herbe » (fol. B6)], perexil [« Du persil, herbe » (fol. Cc5v°)], yerba buena, o santa [« Mente, herbe odoriférante, vulgairement appelée baume » (fol. Mm)], ortaliza [« Herbes potagères, herbage, toute sortes d’herbes bonnes à manger, comme celles des jardins » (fol. Bb4v°)], pimienta [« Poivre » (fol. Cc8v°)], sal [« Du sel » (fol. Gg5)], etc.
4.4.6. Desserts, pâtisseries, confiseries et friandises
Le Tesoro… fait la part belle aux diverses sucreries. On y trouve d’abord des noms génériques tels que postre [« Le dessert, l’issüe de table » (fol. Dd4v°)], confites [« Toutes sortes de confitures seiches, que l’on sert à la fin du repas avec les fruits, & les mesmes fruits confits & cuits avec du sucre, dragées & autres choses douces » (fol. K5)] et gollorías [« Friandises, délicatesses, délices de tavernes & cabarets, choses extraordinaires en matière de friandises » (fol. T3)].
Puis le dictionnaire se fait plus précis lorsqu’il évoque certaines spécialités consommées dans l’Espagne du Siècle d’Or. Cela commence par des préparations qui s’apparentent à des gaufres : alajur [« Une sorte de gauffre faite de farine & de miel » (fol. B3v°)], alaxur [« Du pain d’espices, ou gauffre de miel » (fol. B3v°)], alfajor [« Sorte de pain d’espice, ou gauffre faite de miel » (fol. B6)], alfaxor ou alaxur [« Une sorte de gauffre, ou pain d’espice, fait de farine & miel, avec des pignons & espices » (fol. B6v°)], barquillos [« Grosses oublies (…), gauffres faites avec du sucre » (fol. E7v°)], hojuela, torta de niño [« Gauffre ou gasteau que l’on fait pour les petits enfans (…) » (fol. V4)]. Viennent ensuite différents types de beignets : ahojadado pan [« Un bignet, fait en façon de gasteau fueilleté, ou comme les petits choux de Paris32 » (fol. B2v°)], fruta de sartén [« Bignet & choses semblables faites en la poisle pour servir de dessert » (fol. S5)], bollos de rodilla [« Sorte de bignet » (fol. F5)], boñuelo ou almojavana [« Un bignet » (fol. F5)], buñuelo [« Bignet, c’est une sorte de petit gasteau (…) cuit en la paelle avec du beurre ou graisse de porc, & s’en fait volontiers environ le Quaresme-prenant » (fol. Gv°)], japoipas [« Tourtes que l’on fait en la poisle, bignets » (fol. Ll8)]. Enfin, le Tesoro… répertorie d’autres préparations sucrées appréciées des Espagnols de l’époque et dont certaines existent encore de nos jours : alexur [« Confiture faite avec du miel » (fol. B6)], biscocho/bizcocho [« Biscuit/Du biscuit » (fol. F3 et fol. F3v°)], conserva de membrillo [« Du gros cotignac33 » (fol. K6°)], hojaldre [« Une espèce de tourteau, gasteau feuïlleté (…) » (fol. V4)], maçapán [« Massepan, ou massepain » (fol. Y6v°)], suplicaciones [« Des oublies pliées, c’est comme ce que nous appellons des cornets34 (…) » (fol. Iv°)], almendrones ou peladillas [« Amandes sucrée & en dragées » (fol. B8v°)], turrón [« Pain d’amandes, tourteau fait avec du miel, espèce de pain d’épices ; & selon d’aucuns, confiture ; c’est aussi du biscuit fait de sucre & autres choses, rocher d’amandes frittes avec de l’huile et du miel » (fol. Kk6v°)], ginebradas [« Certains tourteaux, ou gasteaux feüilletez, faits de beurre, sucre & autres choses » (fol. T2)]. Bien évidemment, le sucre, sous toutes ses formes, entrait dans la composition de ces pâtisseries et friandises diverses : açúcar [« Du sucre » (fol. A6v°)], azúcar [« Du sucre » (fol. E5)], açúcar piedra [« Sucre candy » (fol. A6v)], amílbar [« Du sucre fondu, du sirop » (fol. B8v°)], almívar [« Sucre fondu, sirop, (…), jus de confitures liquides » (fol. C)].
4.5. Boissons
Dans l’Espagne du Siècle d’Or, le vin, boisson très prisée, généralement abordable grâce à son prix modique, était présent sur la plupart des tables. Le pays en produisait de toutes sortes comme l’indique l’abondance des entrées du Tesoro… consacrées à ce breuvage : vino [«Vin » (fol. Ll5)], vino tinto [« Vin rouge, vin couvert, vin de rosette » (fol. Ll5)], vino clarete, tintillo [« Un clairet » (fol. Ll5)], abraçada [« Vin meslé, vin clairet » (fol. Av°)], vino aloque [« Vin clairet, vin meslé de blanc & de rouge » (fol. Cv°)], vino grueso [« Gros vin noir » (fol. Ll5)], vino dorado [« Vin jaunastre » (fol. Ll5)], vino de majuelo [« Vin de jeune plan, de nouvelle vigne » (fol. Ll5)], malvasia [« Malvoisie, vin très-excellent » (fol. Z)]. Ce dictionnaire indique aussi des vins plutôt destinés à la domesticité : vino de raciؚón [« Vin de despense pour les servants » (fol. Ll5)], vino aguapié [« Vin de despense, vin de valet » (fol. Bv°)]. Enfin, il recense les principaux défauts que peut présenter le vin : vino brozno, [« Vin revesche » (fol. Ll5)], vino buelto, ahilado [« Vin tourné » (fol. Ll5)], vino desvanecido o rebotado [« Vin poussé, vin moisy, vin corrompu & gasté » (fol. Ll5)], vino mogoso35 [« Vin chesnu, qui a des fleurs » (fol. Ll5)], vino passo [« Vin bas, bassière36 » (fol. Ll5)]. Lorsque César Oudin indique l’unité de mesure du vin en usage en Espagne, il renvoie, comme à son habitude, à une réalité française, un usage parisien en l’occurrence : açumbre : [« Un certaine mesure de vin qui tient environ la carte de Paris37 » (fol. A6v°)].
L’autre boisson qui est souvent citée dans le Tesoro… est l’hydromel : aguamiel [« de l’hidromel, certain breuvage fait de miel & d’eau » (fol. Bv°)], miel y agua [« Hidromel, breuvage fait de miel et d’eau » (fol. Z8v°)], aloja [« De l’hidromel » (fol. Cv°)], aloxa [« Breuvage de Moros, Un breuvage fait d’eau et de miel, hidromel » (fol. Cv°)]. Il en existait même à base d’eau salée : aloxa de agua salada de mar [« Breuvage fait d’eau sallée de la mer, & de miel » (fol. Cv°)].
Enfin, à côté des entrées consacrées au vin et à l’hydromel, ce dictionnaire propose d’autres breuvages en usage dans l’Espagne du XVIIe siècle : agua ardiente [« Eau de vie » (fol. Bv°)], agua de azahar [« Eau de nasse38, c’est de fleurs d’oranges » (fol. Bv°)], agua azerada [« Eau ferrée, c’est de l’eau en laquelle on esteint un fer rouge, & que l’on donne à boire aux malades » (fol. Bv°)], almendrada [« Lait d’amandes » (fol. B8v°)], chocolate [« Certain breuvage noir, que les Américains font avec un fruict nommé Cacao » (fol. I5)]39, hipocrás [« Vin d’hypocras40 » (fol. V3v°)]…
Au vu des développements qui précèdent, on constate que le Tesoro… de César Oudin fournit de multiples indications sur tout ce qui a trait à l’alimentation dans l’Espagne du Siècle d’Or. Nous avons établi que cette source s’avérait fiable puisque son auteur, qui enseignait l’espagnol et remplissait les fonctions de secrétaire-interprète du roi Henri IV, « (…) soucieux d’éviter les écueils d’une science trop livresque, (…) jugea utile d’aller rafraîchir ses connaissances à la source, en faisant le voyage d’Espagne [en 1610] » (Péligry, 1987, p. 33). Oudin a donc fait un réel travail de terrain et sa connaissance des habitudes alimentaires espagnoles, complétée par ses lectures d’auteurs castillans, ne fait aucun doute. Sa vision globale sur l’alimentation dans l’Espagne de son temps peut parfois comporter des approximations, par exemple lorsqu’il ne parvient pas à donner l’équivalent français d’un terme espagnol servant à désigner une denrée donnée et qu’il se voit contraint d’utiliser une formule du type « Une sorte de… » ou « Certain… ». De même, certaines réalités propres à ce pays voisin n’ont pu être rendues en français par ce lexicographe qu’au prix d’une phrase explicative parfois fort longue. Mais hormis ces quelques défauts, son dictionnaire dresse tout de même un tableau exact et très complet des us et coutumes alimentaires pratiqués alors en Espagne. Par conséquent, on peut affirmer que César Oudin, grâce à son Tesoro…, a su se faire le témoin direct et privilégié d’un univers aujourd’hui disparu : il est parfaitement parvenu à le faire revivre pour les lectrices et lecteurs du XXIe siècle que nous sommes.