L’abandon et l’abondance dans l’œuvre de Wes Anderson

L’abandon et l’abondance dans l’œuvre de Wes Anderson

Abstract: Wes Anderson’s work is both aesthetically and thematically structured around two contradictory notions: scarcity and abundance. By establishing a tension between empty spaces and saturated frames, the American director gives shape to the theme of absence, which is at the heart of his movies. Loss, as the founding element of the plots, causes a sense of void in the characters, who try to fill this emptiness by resorting to different modes of abundance, such as hyperactivity, the accumulation of objects, or the reconstruction of the family unit. Thus, the act of collecting, under various forms, becomes a means for the characters to cope with their sense of loss. But the only collection capable of solving this void in a substantial manner is the concept of family, restructured in a new form at the end of the majority of Anderson’s films. This article proposes to study this trajectory from scarcity to abundance through an aesthetic analysis of some of the motifs used by Anderson in his mise-en-scène.

Keywords: Wes Anderson, Loss, Family, Collection, Materiality, Hyperactivity

Résumé : L’œuvre de Wes Anderson se structure autour de deux notions antagonistes que sont le manque et l’abondance, aussi bien d’un point de vue esthétique que thématique. En instaurant une tension entre l’espace vide et la saturation du cadre, le réalisateur américain donne forme à l’absence qui est au cœur de ses films. La perte, qui est au fondement de ces récits, fait naître un sentiment de manque chez ces personnages, qui tentent de combler le vide par le recours à différentes modalités de l’abondance, qu’il s’agisse de l’hyperactivité, de l’accumulation d’objets ou de la reconstruction de la famille. Ainsi, c’est le recours à la collection, sous différentes formes, qui devient le recours choisi par les personnages pour combler leur sentiment de perte. Mais la seule collection capable de résoudre le manque de manière pérenne n’est autre que la famille, recomposée sous une forme nouvelle à la fin de la majorité des récits andersoniens. Cet article propose donc d’étudier ce trajet du manque à l’abondance à travers une analyse esthétique de certains motifs de la mise en scène andersonienne.

Mots-clés : Wes Anderson, Deuil, Famille, Collection, Matérialité, Hyperactivité

Introduction

La cohérence de l’œuvre de Wes Anderson se définit en premier lieu par son esthétique singulière et immédiatement reconnaissable qui la distingue nettement du reste du cinéma américain contemporain. Jusqu’à Fantastic Mr. Fox (2009), ses films ont été tournés au format Cinemascope, caractérisé par sa largeur puisqu’il fut initialement conçu dans les années 1950 pour rappeler la supériorité de l’écran de projection sur le petit poste de télévision. Ce format accorde une part très importante aux décors et aux paysages qui entourent le personnage, et sa largeur fait de lui le cadre idéal pour mettre en scène la foule, ou, du moins, un nombre important de protagonistes. Elle permet à Anderson, à la fois, de laisser une place importante au vide, et ainsi de suggérer qu’un élément est absent, mais, également, de produire des effets de saturation, en surchargeant un cadre pourtant déjà très élargi. Le style du réalisateur se caractérise également par son extrême géométrie, avec la symétrie comme élément central de ses compositions. Celle-ci lui permet de découper le cadre en deux – parfois trois – espaces distincts et de mettre en regard ces deux parties de l’image en opérant par contraste ou par correspondance. Comme pour le format large, cette symétrie permet de représenter l’incomplétude du cadre, de mettre en lumière l’absence d’un élément ; absence qui empêche l’harmonie du tableau, qui rappelle que la plénitude n’est pas atteinte. On retrouve également comme pièce maîtresse de son dispositif la frontalité, qui donne parfois à ses plans l’aspect de tableaux vivants, lui permettant ainsi de contrôler avec encore plus de minutie l’agencement de ses compositions. À cela s’ajoute la profondeur de champ, qui permet de découper l’espace en plusieurs niveaux, et les travellings, qu’ils soient avants ou latéraux, mouvements de caméra privilégiés par le réalisateur puisqu’ils lui permettent de dévoiler tout l’espace diégétique et de recomposer le cadre au cours de la séquence.

Tous ces éléments formels contribuent de manière significative à la dialectique du manque et de l’abondance qui est au cœur de la filmographie de Wes Anderson. Ses long-métrages racontent le parcours d’individus marqués, à la fois, par un abandon et par un sentiment d’incomplétude, et qui semblent profondément isolés les uns des autres, reclus dans leur propre subjectivité. Leur existence se caractérise alors par un état de déséquilibre entre, d’une part, le solipsisme et l’insatisfaction, et, de l’autre, la profusion d’éléments en tout genre visant justement à combler cette béance qui les hante. Cette accumulation, qui se déploie sous différentes formes, s’apparente toujours à une véritable collection, notion qui apparaît comme la clef de voûte du cinéma de Wes Anderson, comme l’ont souligné plusieurs de ses commentateurs. En effet, outre Matt Zoller Seitz qui accole ce terme au nom du réalisateur dans son livre d’entretiens avec ce dernier et Marc Cerisuelo qui l’utilise pour qualifier son univers diégétique (Cerisuelo 15), Donna Kornhaber note, dans son ouvrage consacré au cinéaste, que le principe de collection détermine l’ensemble de sa filmographie. Selon elle, l’acte de collectionner, et toutes les implications émotionnelles que ce geste contient, est le principe fondateur de l’œuvre d’Anderson et se situe sur tous les niveaux, aussi bien esthétiques que narratifs (Kornhaber 3-4). Surtout, il se retrouve chez l’immense majorité de ses personnages où il apparaît comme leur mode d’existence. Comme elle le rappelle, la collection est toujours une réaction à un trauma (Kornhaber 9) et c’est cette dimension-là que l’on retrouve en premier lieu chez les protagonistes andersoniens marqués par la perte. Cette dernière peut en effet les conduire à recourir à une accumulation d’activités pour tenter d’oublier ce manque qui les habite. De même, elle peut les inciter à remplacer cette absence par une accumulation d’objets ayant valeur de substituts. Ainsi, la collection se manifeste d’abord à travers deux formes bien distinctes : l’hyperactivité et l’excès de matérialité.

Si cette prolifération d’occupations et d’objets permet aux personnages d’atténuer cette absence, elle témoigne d’un perpétuel inachèvement qui, en définitive, révèle une carence structurelle, impossible à combler. Cette insuffisance prend sa source dans le profond isolement de ces protagonistes, dans leur réclusion en eux-mêmes et dans leur incapacité à se reconnecter aux autres. Ce n’est que dans le dernier mouvement de ces récits, à la suite d’une nouvelle confrontation avec la perte, qu’ils y parviennent, après avoir pris conscience de la nécessité de se défaire de leur égoïsme afin de rétablir un lien interpersonnel avec autrui. La reconstruction de la famille sous une forme nouvelle devient alors l’objectif principal de ces êtres qui cherchent à retrouver le sentiment d’appartenance qu’elle procure et, ainsi, à renouer avec une forme de bien-être. Cette recomposition témoigne donc de l’évolution des personnages – de leur déplacement de l’individualité au collectif, du monde privé au monde social – et, en définitive, de l’évolution de la famille qui ne fonctionne plus sous une forme traditionnelle – sous la forme de la « famille nucléaire », c’est-à-dire comme structure sociale constituée des parents et de leurs enfants – mais sous une forme atypique, en marge des normes, et potentiellement élargie. Comme le remarque Julie Assouly, les films de Wes Anderson illustrent un phénomène majeur de la société américaine des années 1990 : le déclin du modèle familial américain traditionnel. Elle poursuit en notant que « la famille américaine représentée par Anderson reflète ce sentiment désabusé que semble éprouver un certain nombre d’Américains vis-à-vis du modèle familial traditionnel qui ne serait qu’une construction sociale » (Assouly 256). À cet égard, l’œuvre de ce réalisateur s’inscrit dans un mouvement plus large, celui des cinéastes américains nés dans les années 1960 et qui débutent leur carrière dans les années 1990, ceux que Peter Hanson identifie comme les membres de la génération X. Selon lui, cette remise en cause des modèles familiaux traditionnels constitue l’une des thématiques dominantes du cinéma de cette génération de réalisateurs :

The ability to draw strength from unconventional family units is a key topic for Gen-X filmmakers. This is unsurprising, given the number or Gen Xers whose homes were cleaved by divorce, and given how many were raised by two working parents—meaning that as children, these Gen Xers often were left to fend for themselves or commiserate with peers while mom and dad were at the office. (Hanson 44)

Ce constat d’échec du modèle familial traditionnel fait donc apparaître la nécessité d’une recomposition de la famille, sous une forme nouvelle, mouvement à l’œuvre dans l’ensemble de la filmographie d’Anderson. La famille reconstruite par les personnages s’apparente alors à une communauté singulière qui ne fonctionne pas selon les normes attendues mais qui est régie selon ses propres lois. Comme le note Cerisuelo dans sa lettre à Wes Anderson, le terme doit ainsi être « entendu dans son extension au groupe, à la troupe, au club, à l’équipe, à tout ce qui fait que l’individu isolé et désolé, dont vous tâchez d’exposer le secret douloureux qui le fait languir, est en dépit de tout membre d’une communauté » (Cerisuelo 7).

Cette recherche et cette reconstruction de la famille apparaît ici comme la troisième manifestation du principe de collection inhérent aux personnages andersoniens. Comme le souligne Kornhaber, la création d’une communauté s’apparente à l’acte de collectionner puisqu’il s’agit, dans les deux cas, de sélectionner et d’assembler divers éléments afin qu’ils nous entourent au quotidien et qu’ils puissent, par leur seule présence, mettre en sourdine les peines passées. Ici, il ne s’agit plus, pour les personnages, de donner une place aux objets qui les entourent mais de trouver une communauté dans laquelle ils pourront enfin obtenir une place. Comme Kornhaber l’écrit, il ne s’agit plus de collecter mais d’être collecté.

The question of collecting for Anderson is thus a question of collectivity, of the groups—familial, communal, or otherwise—into which we might arrange ourselves, the places where we might possibly find our own matched pair or our own complete set. In this sense, the drive to collect that so permeates Anderson’s filmmaking is also at the same time a displacement of the drive to be collected, the urge to find a place and a people wherein and with whom one can feel at home: the impulse to find or to construct a family, sometimes at great personal cost. (Kornhaber 76-7)

Mais, contrairement aux deux formes précédentes de la collection, la nouvelle famille, reconstruite à la fin de la majorité des récits andersoniens, apparaît comme le cadre de vie permettant aux personnages d’occulter la douleur de la perte et de renouer avec un sentiment de bien-être. C’est ce trajet d’un extrême à l’autre – du manque initial à sa résolution – que nous souhaitons parcourir ici en structurant notre propos en trois parties, chacune correspondant aux diverses manifestations du principe de collection dans l’œuvre d’Anderson : l’hyperactivité, l’excès de matérialité et la reconstruction de la famille.

Pour cela, nous limiterons notre étude aux films où ces trois dimensions se manifestent de manière substantielle et où la reconstruction de la famille apparaît comme l’enjeu principal du récit : Bottle Rocket (1996), Rushmore (1998), La Famille Tenenbaum(2001), La Vie aquatique(2004), À bord du Darjeeling Limited(2007) et Fantastic Mr. Fox (2009). En effet, comme le souligne Kornhaber, Moonrise Kingdom (2012) marque une rupture dans l’œuvre d’Anderson puisqu’à partir de ce film, les personnages orphelins, ou ceux dont la famille est en pleine déliquescence, ne cherchent plus à trouver une autre famille ou à la recomposer. Au contraire, ils la rejettent et ne la considèrent pas comme la structure idéale. Ils ne recherchent donc plus un collectif mais une paire, qu’elle soit amoureuse – Moonrise Kingdom – ou professionnelle – The Grand Budapest Hotel (2014) (Kornhaber 108). Ce mouvement semble se prolonger dans la suite de la filmographie d’Anderson puisque si L’Île aux chiens (2018) s’ancre à nouveau autour d’une famille de substitution avec la bande des cinq chiens réfugiés sur l’île poubelle, il se concentre davantage sur la quête des retrouvailles entre Atari, un jeune orphelin, et son chien Spots. Quant à The French Dispatch (2021), il est le premier opus andersonien à n’évoquer la famille – de substitution là encore – que de manière très ténue avec les membres de la rédaction du journal.

Réagir à la perte : de l’arrêt à l’hyperactivité

Comme le souligne Zoller Seitz, la plupart des films de notre corpus s’ouvrent sur les ruines d’un cataclysme :

Actually, in Rushmore, The Royal Tenenbaums, The Life Aquatic and Darjeeling, there are these atom bombs that explode offscreen […] The deaths, the traumas that the tree major characters in Rushmore have suffered, then the separation in The Royal Tenenbaums, the death of Steve’s partner in The Life Aquatic, and then in Darjeeling it’s the death of the father. And these are all things that precede the narrative proper in each film, but in many ways they dictate the shape of each film, the concerns of each film. (Seitz 220)

En effet, à l’exception de Bottle Rocket, la perte est au fondement de chacun de ces récits. La Famille Tenenbaum commence par le divorce des parents, laissant ainsi les trois enfants orphelins de leur rêve d’une famille unie. Dans Fantastic Mr. Fox, Felicity annonce à son mari Foxy qu’elle est enceinte et qu’il doit en finir avec son activité de voleur, ce qui équivaut pour lui à la fin de sa jeunesse et à son entrée dans une existence insatisfaisante – au niveau professionnel principalement. Dans les trois autres opus, c’est la mort qui précède l’ouverture de ces films : celle de la mère du jeune Max Fischer, de même que celle du mari de Rosemary Cross, l’institutrice dont l’adolescent va tomber amoureux dans Rushmore, celle d’Esteban, le meilleur ami de Steve Zissou, le héros du film, océanographe mondialement connu, dans La Vie aquatique, et celle du père des trois frères Whitman dans À bord du Darjeeling Limited. Il ne s’agit pas seulement de la perte d’un être aimé mais d’une perte plus large, plus diffuse, celle d’un mode de vie, d’un certain rapport au monde, d’une insouciance. La Famille Tenenbaum, La Vie aquatique et Fantastic Mr. Fox s’ouvrent tous les trois sur l’image d’un passé heureux – l’enfance des Tenenbaum, les aventures de l’équipe Zissou avant le décès d’Esteban et la jeunesse triomphante de Foxy – qui s’éteint immédiatement et qui laisse les personnages dans un état de nostalgie. Si Rushmore et À bord duDarjeeling Limited nous conduisent directement au présent de la narration, l’incapacité des personnages à faire le deuil de leur parent décédé témoigne également de leur incapacité à renoncer au passé, celui de l’enfance et de l’unité familiale. Ces événements qui précèdent la narration laissent donc les personnages dans un état de deuil, dans un temps présent vide, ayant perdu tous les attributs de jadis. Comme l’a souligné Marcos Uzal, cet état de perte conduit les personnages à adopter deux attitudes entièrement opposées : l’apathie ou l’hyperactivité. Dans son article pour Trafic, intitulé « Wes Anderson, la politesse du désespoir », il écrit :

Avant le début du film, ses personnages ont été blessés par un passé douloureux (une séparation, une mort), et les formes de leur mal-être, ainsi que les tentatives aventureuses de le surmonter, constituent le motif central de leur scénario et son premier ressort comique. Ce mal-être se manifeste essentiellement par deux types de comportements que chaque personnage incarne à sa façon : l’apathie mélancolique et un besoin compulsif d’agir, de créer. (Uzal 76-7)

Ainsi, la perte conduit les personnages à naviguer entre deux attitudes opposées, avec d’un côté un manque d’activités et, de l’autre, une abondance d’activités, ce qui témoigne ainsi de leur incapacité à renouer avec l’équilibre, avec une forme d’harmonie. On retrouve dans le premier cas des personnages qui se trouvent dans un état de stase existentielle, dont la vie est comme arrêtée, suspendue. Ils souffrent alors de l’absence d’une activité à laquelle consacrer leur énergie, d’un but, d’une raison de vivre. C’est exemplairement le cas de Margot et de Richie Tenenbaum, deux personnages oisifs et repliés sur eux-mêmes. La jeune femme passe ses journées dans la salle de bains, à fumer et à regarder la télévision, tandis que son frère s’est cloîtré dans la cabine de son paquebot, sans parvenir à renouer avec une quelconque forme d’enthousiasme. De la même manière, dans Hôtel Chevalier (2007), le court-métrage qui précède À bord du Darjeeling Limited, Jack, l’un des trois frères Whitman, reste confiné dans sa chambre d’hôtel, incapable d’oublier son ancienne petite amie et de sortir de sa dépression. Cette dimension était déjà manifeste chez Anthony, premier personnage à apparaître dans la filmographie andersonienne dans Bottle Rocket, volontairement interné dans un hôpital psychiatrique pour épuisement alors même qu’il n’a « jamais travaillé de sa vie », comme le souligne Grace, sa petite sœur. Enfin, Bill Murray, l’un des acteurs fétiches d’Anderson, apparaît à lui seul comme l’incarnation de cet état de neurasthénie qui menace les différents protagonistes, et ce dès Rushmore où il interprète le rôle d’Herman Blume, un magnat de l’industrie en pleine léthargie.

À l’inverse, dans le deuxième cas, les personnages vivent dans une hyperactivité permanente pour ne pas se laisser le temps de penser, de sombrer dans la mélancolie. Pour eux, il s’agit de combler le manque par l’abondance, par l’accumulation d’activités afin d’empêcher l’introspection, le retour sur soi. Comme l’écrit Devin Orgeron, « The frantic activity in Anderson’s films, however, is compensatory, covering significant gaps in the lives of his characters » (Orgeron 45). Francis Whitman impose à ses frères et à lui-même un planning complet pour chaque journée, ce qui lui permet de remplir à l’avance chaque parcelle de son temps, ne laissant aucune place pour le répit et la mélancolie. Ce geste rappelle celui de Dignan dans Bottle Rocket, également interprété par Owen Wilson, qui présente à son ami Anthony un programme pour les soixante-quinze années à venir. Dans le même film, ce dernier cherche à rompre avec son état de dépression, et avec l’apathie qui le caractérise jusqu’alors, en adoptant un mode de vie épuisant. Vers la moitié du film, il écrit à sa petite sœur :

Si tu te sens seule, si la maison te manque, ne reste pas inactive. Occupe-toi. La méthode marche à fond chez moi. J’ai un tout nouveau programme. Bob et moi on se lève à 5h30 tous les matins. J’ai trois boulots […] En général, je suis tellement crevé le soir que je n’ai pas le temps de penser à des occasions ratées et au temps perdu.

Dans Rushmore, Max Fischer est membre de la quasi-totalité des clubs et associations sportives de son école, ce qui lui permet d’être constamment occupé et d’échapper à son chagrin. Ces multiples activités témoignent également de son désir de mener une vie extraordinaire et de ne pas se limiter à l’existence banale de l’institution scolaire. Comme le souligne Jesse Fox Mayshark, ce besoin d’aventures de Max est évoqué dès le début du film, lorsqu’il découvre avec grand intérêt une citation du commandant Cousteau dans un livre de la bibliothèque, et se retrouve, plus largement, chez l’ensemble des personnages andersoniens :

It is while reading a book on the latter topic that he finds a quote from Jacques Cousteau scribbled in the margin: “When one man, for whatever reason, has the opportunity to lead an extraordinary life, he has no right to keep it to himself.” Its resonance with him is unmistakable: as with most of Anderson’s flawed heroes, an extraordinary life is his only real goal. (Mayshark 124)

Dès lors, l’hyperactivité débordante des personnages ne vise pas seulement à oublier les peines passées mais permet aussi, plus largement, d’échapper à une existence trop ordinaire, sans aspérités, elle-même source de tristesse. Le flot d’activités et d’aventures qui remplit l’existence de ces individus devient également une manière de refuser et de trouver une alternative à cet état d’équilibre, à cette vie régulée, normée, dont la vitesse est dictée par autrui. Une existence fondée sur la régularité et sur l’accomplissement de tâches banales renvoie dès lors, pour ces rêveurs, au quotidien, à cette vie routinière, qui, loin de leur apporter l’épanouissement, provoque chez eux un grand sentiment de désillusion. Ils ne parviennent pas à se satisfaire de cette existence ordinaire qui n’est pas à la hauteur de leurs rêves d’enfant, qui se situe en deçà de leurs aspirations, qui est pour eux synonyme de renoncement. Pour y échapper, ils inventent des projets chimériques et extravagants qui leur demandent un investissement de chaque instant et qui leur permettent de conserver un lien avec cette enfance qu’ils chérissent. Le hold-up de la librairie puis le cambriolage de l’entrepôt dans Bottle Rocket, la construction de l’aquarium dans Rushmore, la poursuite du requin-jaguar de Zissou, la quête spirituelle des frères Whitman et le plan de maître de Foxy, c’est-à-dire le vol en trois temps des fermes de Boggis, Bunce et Bean, sont autant de prétextes trouvés par les personnages pour faire naître une aventure qui accapare tout leur temps et qui leur permet de mener une existence en marge des normes.

En donnant corps à leurs projets les plus fantaisistes, l’hyperactivité permet ainsi aux personnages de se soustraire à une existence ritualisée et prévisible, mais également, en les dotant d’une quête, de focaliser leurs pensées sur un objet précis, de les détourner de leur tristesse. Comme l’écrit Uzal, les personnages andersoniens se lancent dans l’aventure « pour échapper à la gravité de leur existence. Les causes doivent devenir secondaires et la réussite importe peu, ce qui compte avant tout est de continuer à agir, à parier, à risquer, en assumant son inaptitude au monde adulte. Avec la précision d’un navigateur et surtout avec style » (Uzal 78). Mais dès lors que leurs projets sont menacés – lorsque Max se fait renvoyer de l’école, lorsque Zissou n’a plus d’argent pour financer ses aventures, lorsque la mère des frères Whitman leur écrit pour les inciter à ne pas venir la voir, annihilant de ce fait leur objectif principal – leur dynamisme s’éteint, faute d’un programme satisfaisant leur permettant de dépenser toute leur énergie. Ils retombent alors dans l’inertie la plus complète et dans la dépression qui l’accompagne. L’équilibre, le rythme régulé, n’existe quasiment pas pour ces personnages qui ne vivent que dans l’exacerbation, qu’elle soit celle de leur mélancolie – plusieurs tentatives de suicide jalonnent la filmographie d’Anderson – ou, au contraire, celle de leur enthousiasme, de leur entrain à donner forme aux rêves qui leur permettent de continuer à vivre. À l’instar de la plupart des protagonistes, Steve Zissou, interprété lui aussi par Bill Murray, condense ces deux attitudes opposées puisque sa nonchalance permanente est parfois interrompue par de brefs élans de vitalité, comme lors de l’attaque des pirates, où il se relève soudainement pour sauver tout son équipage. Les héros andersoniens passent d’un extrême à l’autre, de l’arrêt le plus complet au dynamisme le plus exacerbé. Or, comme le souligne Charles Tesson, ces deux comportements – « l’immobilisation de la vie interne » et « l’hyperactivité » – ne sont finalement que les deux faces d’une même pièce, celle de la dépression, du déséquilibre de la vie psychique (Tesson 85). Si elle permet aux personnages de se donner un objectif et d’atténuer le poids de la mélancolie, l’hyperactivité n’en reste pas moins un symptôme de leur dépression, qui prend sa source dans un sentiment de perte, de deuil irrésolu. Outre la profusion d’activités, cette affliction provoque, chez ces individus, une autre réaction, également marquée du sceau de l’abondance, visant à dissimuler la douleur de l’absence : l’accumulation d’objets.

L’excès de matérialité : l’impossible substitution

Stefano Baschiera rappelle que les objets sont omniprésents dans l’œuvre de Wes Anderson et sont mis en valeur par son esthétique, comme on le voit à travers les nombreux inserts qui accordent à plusieurs d’entre eux un plan singulier. « The cinema of Wes Anderson is a cinema of objects. ‘Stuff’ often fills the frame, contributing significantly to the visualization of the storytelling and to the creation of the characters’ identity » (Baschiera 118). Surtout, ils constituent une part très importante de la vie des personnages qui apparaissent comme de véritables collectionneurs conservant auprès d’eux des accessoires chargés de signification. Kornhaber souligne à cet égard que l’élaboration de ces collections est toujours une réaction à la perte subie par les protagonistes (Kornhaber 9). Dans Rushmore, Rosemary Cross dort dans l’ancienne chambre d’enfant de son mari afin de rester auprès des objets qui lui appartenaient. Les trois frères Whitman ont conservé les principaux accessoires de leur défunt père, ainsi que ses grosses valises, qu’ils trimballent à travers toute l’Inde. La maison Tenenbaum est remplie des vestiges de l’enfance, qu’il s’agisse des dessins d’enfants qui parsèment les murs ou des jeux de société qui remplissent les placards, et Richie reconstruit dans une tente sa chambre d’enfant avec tous les ornements qui lui sont associés. Chacun de ces gestes procède d’une même logique : accumuler autant que possible des objets associés à ce qui a été perdu pour atténuer la douleur de l’absence. La collection de tous ces éléments est ici utilisée comme un substitut, comme un moyen de combler le manque. Il s’agit de remplir le cadre pour ne pas laisser s’imprimer le vide qui menace ces personnages. Or, comme le souligne Rachel Joseph, cette omniprésence des objets liés au passé signale le refus de ces individus d’abandonner leurs souvenirs, de se défaire de leur sentiment de nostalgie.

This clutching the objects and memories of the past lends the dense materiality that is present in Anderson’s films. The screen is filled to the brim with souvenirs that ghost the lost objects that characters cannot and will not move past. As Dominik LaCapra has noted, “When loss is converted into (or encrypted in an indiscriminately generalized rhetoric of) absence, one faces the impasse of endless melancholy, impossible mourning and interminable aporia in which any process of working through the past and its historical losses is foreclosed or prematurely aborted.” (Joseph 56)1

Ainsi, comme pour l’hyperactivité, si l’accumulation d’objets permet aux personnages de rendre moins prégnante la douleur de la perte, elle rend également sensible leur état dépressif, leur incapacité à renoncer au passé. Dès lors, ce n’est plus l’excès qui est requis pour le bien-être de ces personnages mais son contraire, la rareté, l’omission, la mise à l’écart de tous ces vestiges qui continuent de peser sur leur existence. C’est ce trajet de l’abondance à l’abandon que parviennent à effectuer les frères Whitman au terme d’un périple à travers l’Inde qui n’est finalement qu’un long cheminement vers l’accomplissement du deuil. Comme évoqué auparavant, ils emportent avec eux, partout où ils vont, les accessoires de leur défunt père, jusqu’au jour où ils assistent, dans une communauté indienne rurale, à l’enterrement d’un enfant qu’ils ont tenté de sauver de la noyade. Comme le relève Baschiera, les trois frères découvrent ici une nouvelle forme de matérialité puisque le village qu’ils traversent est vierge de toute décoration, marqué par l’épure et uniquement peint en blanc. Durant cette séquence, ils sont eux-mêmes démunis de tous les objets qui les encombrent. L’auteur analyse également le rite funéraire indien et remarque que l’enfant est incinéré ce qui, pour lui, témoigne du fait que le deuil ne peut s’accomplir qu’à travers un effacement de tout ce qui se rattache à l’objet de la perte : « In particular, the ritual of the funeral, with the careful preparation of the corpse, the last objectification of the child, and then the act of burning it, of letting it go, suggests the idea of not allowing anything to be left behind, not even a tombstone » (Baschiera 129). Les trois frères découvrent alors un autre rapport à la mémoire du défunt, qui ne repose plus sur l’accumulation à outrance mais sur l’abandon de tous les éléments matériels. Dans la dernière scène du film, alors qu’ils courent pour remonter dans le train, ils lâchent les valises de leur père, ce qui leur permet d’accéder au wagon à temps et de se libérer de tous ces éléments qui les empêchaient de renouer avec une forme de bien-être. Le ralenti, qui intervient à ce moment, fait ressortir ce geste avec davantage de relief, lui rendant ainsi toute sa portée symbolique. Anderson rappelle ici que l’excès d’objets en forme de fétiches peut entraver l’accomplissement du deuil, dès lors qu’ils enferment l’être dans un temps passé illusoire.

Anderson rappelle ici que l’excès d’objets en forme de fétiches peut entraver l’accomplissement du deuil, dès lors qu’ils enferment l’être dans un temps passé illusoire. Cette séquence est une reprise de la première, également filmée au ralenti, où l’on aperçoit un inconnu, interprété par Bill Murray, se faire dépasser par Francis Whitman qui parvient, lui, à atteindre le train, ce qui donne au récit la forme d’une structure circulaire. Ce principe narratif, courant chez le réalisateur, se retrouve également dans l’opus précédent, La Vie aquatique qui, de la même manière, se clôt par l’abandon d’accessoires porteurs de souvenirs, symbole du renoncement au passé. À la fin du film, Zissou présente son nouveau documentaire dans un festival de cinéma en Italie, comme c’était le cas lors de l’ouverture. De plus, cette projection est à nouveau entachée d’un deuil puisque son fils présumé, Ned, est décédé récemment – ce qui rappelle la mort d’Esteban, survenue au tout début du récit et présenté dans le documentaire de Zissou. Cette répétition ne s’apparente pas à un retour au point de départ mais signale au contraire une évolution notable. Cette fois-ci, le commandant du Belafonte ne regarde pas son propre film et attend sur les marches de l’escalier que la projection se termine. Il ne se maintient donc plus dans la répétition du trauma en se confrontant aux images de la mort de son mentor. Alors qu’il attend, un enfant le rejoint et s’assoit à côté de lui. Zissou lui transmet alors la bague de Ned, affichant ainsi sa volonté de ne pas se cloîtrer dans la mélancolie de l’objet perdu, dans l’adoration du fétiche. Comme le jeter des valises dans À bord du Darjeeling Limited, ce geste symbolise l’accomplissement du deuil. À l’instar des frères Whitman, Zissou révèle ainsi sa volonté de ne pas rester prisonnier du passé, ce que confirme la fin de la séquence où il se lève, en portant l’enfant sur ses épaules, et repart vers son bateau pour une nouvelle odyssée – « Ça, c’est de l’aventure », dira-t-il en guise de conclusion. Là aussi, ce retour du mouvement, de l’avancée, est filmé au ralenti pour mieux souligner la portée symbolique de ce geste, son caractère décisif pour l’existence du personnage. Quelques instants auparavant, l’hommage rendu à Ned s’était déjà caractérisé par sa forme singulièrement immatérielle pour l’univers matérialiste d’Anderson, puisqu’il s’agissait d’un thème musical – sobrement intitulé « Ned’s Theme » – écouté par l’équipage lors de leur expédition en sous-marin vers le requin-jaguar et non plus d’un objet cristallisant tout le poids de la perte.

Enfin, si elle ne se caractérise pas par l’abandon d’objets liés au passé, la conclusion de Fantastic Mr. Fox laisse également transparaître le retour à un certain dénuement, par le renoncement à un excès de matérialité devenu une entrave au bien-être des personnages, et plus particulièrement, à celui de la famille des renards. Au début du film, Foxy indique à sa femme, Felicity, sa volonté de quitter le terrier où ils vivent pour un arbre, car, dit-il : « Je ne veux plus vivre dans un terrier. Je me sens pauvre ». Lorsque son épouse lui signale que la richesse ne constitue pas la condition sine qua non du bonheur, – elle déclare, « Nous sommes pauvres mais nous sommes heureux » – il répond, « Comme ci, comme ça », révélant ainsi sa volonté de compenser l’insatisfaction de son existence – professionnelle et, d’une certaine manière, familiale – par un accroissement de son confort matériel. Avant que la visite de l’arbre lui indique la proximité avec les fermes de Boggis, Bunce et Bean – et donc la possibilité de renouer avec son activité de voleur – son désir de déménager s’explique donc d’abord par une quête de grandeur, incarnée par une certaine forme d’ostentation. À cet égard, la fin du film marque une complète inversion de ce mode de pensée et signale ainsi la profonde évolution du personnage. Dans les derniers instants du récit, l’ensemble des animaux, pris au piège par les fermiers, n’ont d’autre choix que de se réfugier dans les égouts et d’y élire domicile. Le nouvel habitat des renards se caractérise alors par son extrême dénuement – comme c’était le cas pour la communauté indienne dans À bord du Darjeeling Limited – puisqu’il s’agit d’une seule pièce grise avec très peu de décorations. Mais, loin de le déplorer, Foxy semble au contraire s’en réjouir. Ayant trouvé un accès direct vers un supermarché, il a trouvé une source permettant l’approvisionnement en nourriture et en boissons de sa famille ainsi que de la communauté animale dans son ensemble. Cette trouvaille lui permet d’accomplir le seul objectif qui compte pour lui désormais, celui consistant à pouvoir subvenir aux besoins de sa famille.

À nouveau, c’est la structure circulaire du récit qui marque l’évolution du personnage. Lors de l’ouverture, sa femme, Felicity, tente de lui révéler qu’elle est enceinte mais apparaît nerveuse à cette idée et retarde l’échéance.  Elle ne lui confie cette nouvelle qu’à la fin de la séquence lorsque les deux amoureux tombent dans le piège tendu par un fermier alors qu’ils volaient tous deux des ramiers. L’annonce de cette nouvelle semble provoquer chez Foxy une joie mêlée d’inquiétude, comme en témoigne la paralysie de son visage. Surtout, les barreaux du piège dans lequel sont enfermés les deux personnages renvoient alors à ceux d’une cellule de prison, laissant ainsi poindre l’idée que la vie familiale équivaut pour le futur père à une perte de liberté. À l’inverse, lorsque, dans la dernière séquence du film, Felicity lui annonce qu’elle est à nouveau enceinte, le montage ne s’attarde plus sur l’expression du visage de Foxy. Ce dernier déclare simplement, « Je crois que l’on rayonne tous les deux », ce qui mène au plan suivant où les visages des deux époux sont illuminés par une lueur dont la source est inconnue. Ce motif singulier renvoie là aussi à la première scène où le renard fait remarquer à sa femme qu’elle est « rayonnante » avant que cette même lumière vienne éclairer le seul visage de celle-ci et non pas des deux amants. L’évolution du motif au terme du récit révèle ainsi que les deux personnages sont désormais en accord et partagent la même émotion quant à la naissance de leur futur enfant. Elle signale de la même manière l’acceptation par Foxy de son rôle de père et la transformation morale que cela implique. Ses quêtes matérielles se sont évaporées au profit de la seule mission d’importance désormais pour lui : pouvoir assurer le bien-être de sa famille. C’est tout le sens de son discours final : « Ce qui m’importe, c’est que l’on mangera ce soir. Et que l’on mangera ensemble. […] Alors, levons tous nos boîtes. Buvons à notre survie ! ». L’univers abondant du supermarché ne sert donc qu’à satisfaire les besoins les plus élémentaires des renards, ne sert qu’à satisfaire leur désir de survie. Toute autre quête apparaît désormais superflue aux yeux de Foxy qui atteint de ce fait le seul modèle de vie promu par Anderson, selon Rachael McLennan : la reconnaissance et la satisfaction des besoins d’autrui (McLennan 207). Ainsi, à rebours des deux autres manifestations de l’abondance que nous venons d’évoquer, cette fin signale également que la seule collection permettant aux personnages de mener une forme de vie épanouissante n’est autre que la famille – dont nous allons maintenant étudier le trajet vers la recomposition.

La collection comme communauté : la reconstruction de la famille

Tous ces personnages marqués par la perte, ainsi que par la crainte qu’elle advienne, cherchent bien souvent à renouer avec leur famille afin de retrouver le sentiment d’appartenance qu’elle procure. Or, les familles andersoniennes apparaissent d’abord comme des communautés dysfonctionnelles et fracturées, meurtries par les blessures et les rancunes, et qui ne parviennent pas à retrouver leur unité, leur cohésion – c’est le cas dans La Famille Tenenbaum, La Vie aquatique – où la famille correspond à l’équipage du Belafonte – À bord du Darjeeling Limited et Fantastic Mr. Fox. Quant aux deux premiers films du cinéaste, ils nous présentent des personnages orphelins2 – ou s’apparentant à des orphelins – qui ne cherchent donc pas à reconstruire leur famille mais à en retrouver une nouvelle, qu’il s’agisse de Max Fischer, jeune adolescent ayant perdu sa mère, dans Rushmore ou de Dignan, jeune homme de vingt ans dont les parents ne sont jamais mentionnés, dans Bottle Rocket.3 Tous ces récits montrent donc une recomposition de la famille vers une forme nouvelle et atypique, qui s’apparente davantage à une communauté évoluant en marge de normes préétablies qu’à une famille conçue selon le modèle traditionnel américain.

Si l’on excepte Bottle Rocket où l’édification d’un nouveau collectif reste en demi-teinte, comme le montre la séparation finale de la bande lors du braquage raté puis l’incarcération de Dignan à la fin du film, cette reconstruction finit toujours par être effective à la fin de chacun de ces récits, après un parcours sinueux constitué de divers aléas. Pour représenter ce long cheminement vers la réunion finale et les différentes variations qui la composent, Anderson a recours à deux formes éminemment dialectiques, qui dévoilent la tension qui structure la famille entre séparation et réunification : le motif du triangle – principalement dans À bord du Darjeeling Limited où la famille se réduit à un trio – et le grand tableau de famille, dans les autres opus. Par motif du triangle, j’entends un plan composé de trois personnes, celui du milieu pouvant apparaître en retrait des deux autres. Or, cette disposition triangulaire se limite parfois à deux personnages, laissant une des parties du cadre marquée par le vide. De même, ce motif du triangle ne s’incarne parfois que brièvement lorsque l’un des personnages disparaît du cadre après une sortie de champ. La persistance rétinienne nous rappelle alors qu’un élément est manquant, que l’harmonie de la composition est à nouveau perturbée, toujours repoussée. Dans les deux cas, cette absence vient détruire l’équilibre de la forme et la transforme en un triangle incomplet, qui renvoie à la refondation insatisfaite de la cellule familiale. Mais lorsque le motif s’installe dans la durée du plan et n’est plus perturbé par les mouvements des personnages, il gagne en stabilité et apparaît ainsi comme une image retrouvée de la cohésion familiale. L’harmonie du cadre renvoie alors à celle de la communauté. Il s’agit donc d’une forme dialectique, ce qui justifie son utilisation pour représenter les mouvements contradictoires qui traversent les collectifs andersoniens.

Ce motif constitue l’une des formes structurantes d’À bord du Darjeeling Limited puisque la famille se réduit à un trio : les trois frères Whitman qui se retrouvent après un an de séparation sous l’impulsion de l’aîné, Francis, qui recherche la réconciliation. Or, très vite, les personnages ne parviennent pas à communiquer et leurs conversations se soldent souvent par la sortie de champ de l’un d’entre eux, transformant ainsi la composition ternaire espérée en une composition binaire marquée par l’absence. C’est bien souvent la parole blessante d’un des frères qui provoque la sortie d’un autre et l’éclatement de l’unité familiale. Dans la première partie du film, qui se passe dans le train, ce procédé revêt un caractère systématique puisqu’il s’agit à chaque fois d’un protagoniste différent qui sort du champ, conduisant ainsi pour chaque scène à un nouveau duo. Lors de la séquence du restaurant, Francis quitte la table pour chercher un chargeur de téléphone. Plus loin, Jack sort de sa cabine, excédé, et Peter préfère s’écarter de ses frères lors de la sortie au temple. Cet échec d’une harmonie est d’autant plus marqué lors de cette dernière séquence puisqu’il s’agit ici de l’objectif avoué des personnages : trouver dans la spiritualité un apaisement qui leur permettra de se retrouver. À ce moment-là du film, l’égoïsme, les rivalités et surtout la dispute pour l’héritage paternel empêchent l’harmonie du cadre familial. Or, la rencontre avec une autre communauté, celle du village indien, et le retour au trauma originel de la mort du père qu’elle provoque, lors de la scène de l’enterrement de l’enfant, permet aux personnages d’accepter enfin cette perte et de se retrouver au sein de la cellule familiale. À partir de cet instant, et jusqu’à la clôture du récit, la mise en scène révèle l’harmonie retrouvée de la fratrie ainsi que la stabilité de cette osmose, et la composition triangulaire reprend alors sa place.

En effet, dans la séquence suivante, à l’aéroport, on retrouve le motif d’une composition ternaire menacée d’incomplétude par la sortie de champ d’un des frères puisque chacun d’entre eux quitte l’espace familial pour aller téléphoner, réduisant le plan à deux personnages. Or, si cette figure est mise à mal par ces déplacements, elle finit par s’incarner pleinement à la fin de la séquence. À cet instant, les panoramiques extrêmement rapides, qui perturbaient le cadre en traversant l’espace de la pièce, disparaissent. Ils laissent place à un travelling arrière final qui suit l’avancée des trois protagonistes pour aboutir à une forme triangulaire qui marque l’unité familiale. La consolidation de ce motif, comme marqueur d’une stabilité retrouvée, s’établit ensuite dans la scène suivante où l’on aperçoit les personnages devant le miroir d’une salle de bains, dans une nouvelle composition ternaire. En se déployant dans la durée, sans coupe ni sortie de champ, ce plan fixe s’oppose au mouvement permanent de la première partie dans le train, et traduit ainsi le sentiment d’apaisement qui gagne les trois frères. On observe un mouvement similaire dans le film précédent, La Vie aquatique, à partir de la séquence où Zissou se réconcilie avec Ned et Klaus – qui le considèrent tous deux comme un père de substitution – lors du sauvetage de l’Hôtel Citroën. Ici aussi, les trois séquences suivantes insistent sur cette nouvelle unité du trio qui partage constamment le même espace. À cet instant, les personnages ne souffrent plus de l’absence d’une filiation et goûtent à l’harmonie qui résulte du sentiment d’appartenance à une famille. Les compositions, semblables à celles d’À bord duDarjeeling Limited, témoignent de cet état d’équilibre, avec un motif du triangle où les mains des trois hommes se rejoignent au centre, et des constructions ternaires où le trio se mue en une ligne verticale comme image de l’unité et de la cohésion.

Mais si la reconstruction de la famille finit par s’accomplir, la mort et les séparations qui jalonnent ces récits laissent la trace d’un manque, d’un regret qui s’incarne visuellement à travers une esthétique de l’incomplétude. Dans La Vie aquatique, dans la scène qui suit l’enterrement de Ned, Zissou vient s’assoir à côté de Jane, sur le bord droit du cadre, tandis qu’elle se situe au centre. Ce remplissage de la portion droite crée un déséquilibre dans le plan en laissant la partie gauche entièrement marquée par le vide, accentuant encore l’idée d’un manque, d’une composition ternaire inachevée. Cette forme rend sensible l’absence d’un être, Ned, qui était à la fois l’amant de Jane et le fils de Zissou, avec lequel ils venaient de se retrouver. La séquence intervient à la fin du film, au moment où les personnages sont parvenus à renaître, ainsi qu’à se reconnecter aux autres, mais ce renouveau s’accompagne d’un sentiment de perte que l’on cherche à mettre en sommeil à travers l’enveloppe d’une famille et le sentiment d’appartenance qu’elle procure.

À cette composition marquée par l’absence succède en effet un plan où tout l’équipage du bateau est réuni dans le cadre, où aucun être n’est laissé à l’abandon ; un plan sans espace vide marqué par la saturation. Cette opposition opérée par le montage, qui montre le passage du manque à l’abondance, résume par son seul mouvement toute la dialectique des œuvres andersoniennes. Dans la dernière scène du film, où le nouveau documentaire de Zissou est projeté en avant-première, Anderson se sert à nouveau de la frontalité de son dispositif et de la symétrie de ses compositions pour rappeler la trace d’une absence au sein de la profusion. Au premier plan, on retrouve l’ensemble de l’équipage regroupé dans toute la largeur d’une loge du théâtre avec, au centre, une chaise vide, sur laquelle insiste le réalisateur par le raccord dans l’axe qui suit. L’absent n’est autre que Zissou, qui est resté à l’extérieur pour observer le deuil de son fils décédé, Ned, comme évoqué auparavant. D’une séquence de projection à l’autre, la structure circulaire du récit se referme et le retour d’une même scène dotée d’une variation indique une évolution, celle du personnage principal, qui est enfin prêt à sortir de son déni et à accepter la disparition d’un être cher, en accomplissant le travail du deuil que celle-ci nécessite.

Si cette mise en scène de l’absence traduit donc ici un consentement apaisé au réel, il en va autrement dans le film précédent, La Famille Tenenbaum, où l’on retrouve une même représentation du manque par la présence d’une chaise vide au centre d’un cadre marqué par la symétrie. Royal, allongé sur son lit en raison de sa prétendue maladie, discute avec Etheline, son ex-femme, avant que celle-ci ne s’en aille. Comme pour le motif du triangle, cette sortie de champ du personnage crée une sensation de vide dans le cadre et conduit à une mise en forme de l’absence, accentuée ici par la chaise au centre et par les quelques secondes qui s’écoulent avant le changement de séquence. La mise en scène révèle alors la trace d’un douloureux regret qui se fait jour dans l’esprit de Royal, celui d’avoir perdu sa femme par la seule faute de son égoïsme et de ses infidélités. La sortie de champ d’Etheline à l’arrière-plan, dans le couloir, laisse d’ailleurs place à l’entrée d’une autre figure – celle d’Henry, son futur mari – qui se maintient quelques instants au fond du plan, non pas pour remplir le vide que Royal souhaite voir combler mais pour acter, au contraire, l’impossible retour d’Etheline à la position désirée par Royal. L’absence est ici renforcée par cette présence lointaine et menaçante qui signale une altération de l’espace autrefois commun aux deux anciens époux.

Outre l’incomplétude, l’esthétique andersonienne dévoile aussi la crainte d’un sentiment de manque qui menace d’advenir, comme on peut le voir lors de la séquence des adieux entre Ned et Jane, dans La Vie aquatique. Ici, contrairement à de nombreuses scènes des opus de notre corpus, le lien entre les deux personnages n’est pas menacé par leur difficulté à s’entendre ou par leur lutte d’égo mais seulement par leur séparation à venir, qui tend à instaurer un manque à leur existence. Anderson n’a donc pas recours à une mise en scène de l’incomplétude mais plutôt à une esthétique du dépeuplement. Il termine sa séquence par un raccord dans l’axe effectué en sens inverse puisque l’on passe du plan rapproché taille des deux personnages vus de profil à un plan d’ensemble de la pièce. Jane et Ned nous apparaissent alors comme des figures lointaines, délaissées, sans vie, reléguées au fond du plan. Autour d’eux, ne subsiste que le vide qui a pris possession de tout l’espace filmique. La relation humaine, et la proximité qu’elle a fait naître, s’efface alors devant le manque à venir.

Mais ce sentiment de perte, et la douleur qu’il provoque, trouvent une forme de résolution dans le retour à la famille, reconstruite à la fin des récits. Outre l’harmonie des compositions ternaires, Anderson a alors recours, dans Rushmore, La Famille Tenenbaum, La Vie aquatique et Fantastic Mr. Fox, au motif du grand tableau de famille, pour exprimer la recomposition de cette dernière et le retour de son unité. Cette forme de l’abondance, qui s’apparente à un tableau vivant dans lequel sont réunis tous les membres de la famille, se retrouve à chaque fin de récit pour indiquer que le trajet vers la communauté a été accompli par ces êtres autrefois isolés, désormais parties prenantes d’un même groupe. Elle se retrouve également à plusieurs reprises dans La Famille Tenenbaum, dès lors que Royal retourne dans la maison familiale, ce qui permet le rassemblement de tout le collectif. Elle permet alors de représenter visuellement cette tension entre, d’une part, le désir de réunification de la famille par Richie, le benjamin, et Royal, le père, et, de l’autre, les réticences des autres membres de la communauté, peu enclins à pardonner à ce dernier ses fautes passées. Le premier grand tableau de famille apparaît ainsi après le faux malaise simulé par Royal pour ne pas être chassé de la maison par son fils aîné, Chas. Tous les protagonistes sont alors réunis autour du patriarche allongé dans son lit, mais cette réunion de la communauté dans un même plan n’est ici qu’illusoire et ne tient qu’à l’imposture de Royal. Peu de temps après, un deuxième grand tableau présente tous les membres de la famille. Les corps de Richie et de son père sont filmés en amorce et, devant eux, se déploie l’objet de leur quête : la réunion de la famille dans un même cadre. Mais, loin d’être idyllique, le tableau prend la forme d’un affrontement entre deux camps : d’un côté, Royal et son seul soutien, Richie, et de l’autre, le reste de la communauté, qui ne souhaite pas lui pardonner sa nouvelle imposture. Sa fausse maladie vient en effet d’être dévoilée par Henry qui a découvert la supercherie, et sa parole fait sortir du champ les corps de Royal et de Richie. Ici aussi, l’unité du cadre familial se défait et semble alors vouée à l’échec. La stature imposante du nouveau venu, Henry, marque l’impossible retour de la famille telle qu’elle existait auparavant. Plus loin, le désir insatisfait de Richie de voir sa famille réunie se matérialise à nouveau lors d’un plan à l’hôpital, lorsque, toujours filmé en amorce, il est allongé sur son lit, et qu’apparaissent devant ses yeux la quasi-totalité des Tenenbaum. Mais à travers l’absence de Royal, redevenu persona non grata, le tableau apparaît inachevé, incomplet. La recherche, par Richie, de ce motif qui réunit tous les êtres proches dans un même espace traduit son souhait de mettre en ordre le réel, d’évacuer toutes les perturbations et de combler tous les manques. Ce qui se manifeste ici, à travers le retour de ce motif, c’est son attitude de collectionneur, déjà évoquée précédemment au sujet de la reconstitution de sa chambre d’enfant, et son désir de voir ce principe s’appliquer à sa famille, ainsi qu’à l’échelle de la réalité. Aussi, lorsque le grand tableau de famille apparaît enfin sous une forme nouvelle et achevée, lors du mariage d’Etheline et d’Henry, Richie sort son appareil photo pour capter à travers l’objectif le succès de cette collection Ce surgissement du grand tableau, avant celui que l’on retrouvera dans la dernière scène du film, celle de l’enterrement, est annoncé par le long plan-séquence qui le précède, durant lequel un long travelling latéral résume tout ce mouvement vers la réunion en liant tous les membres de cette nouvelle communauté.

Ainsi, de la même manière que les personnages se doivent d’accomplir leur deuil pour retrouver une forme de bien-être, ils doivent également accepter l’idée que leur famille telle qu’ils l’ont connue par le passé ne reviendra pas. Le retour de son unité n’implique donc pas l’idée d’une reconstitution mais, au contraire, celle d’une évolution. Cette dernière est d’abord celle des personnages qui se doivent d’admettre la recomposition de leur communauté. Cette acceptation équivaut bien souvent à un consentement à renoncer à l’enfance, pour Max Fischer, les Tenenbaum, les frères Whitman, ou à la jeunesse, pour les pères que sont Zissou et Foxy. Pour les personnages, il s’agit alors de transformer la famille, autrefois vue comme une forme rigide et traditionnelle, en une bande hétérogène qui constituera le cadre idéal pour les aventures recherchées et pour une vie atypique, en marge des normes. À l’exception d’À bord du Darjeeling Limited et de Bottle Rocket qui se cantonnent à deux trios, ces nouvelles communautés apparaissent alors comme des groupes élargis qui incluent en leur sein tous les êtres esseulés, les laissés-pour-compte croisés au cours du récit. Dans Rushmore, Max Fischer constitue une sorte de troupe de théâtre élargie au sein de laquelle se retrouvent ses amis, ses comédiens, Rosemary Cross, l’institutrice dont il était amoureux, Herman Blume, son ami adulte, son père, Margaret Yang, sa fiancée, et d’autres personnages rencontrés sur son chemin. La famille Tenenbaum s’élargit à Henry Sherman, le nouveau mari d’Etheline, ainsi qu’à son fils, à Eli Cash, le cousin désireux de faire partie de la bande, à Raleigh St-Clair, l’ancien mari de Margot, à Pagode, le fidèle allié de la famille, et à Dusty, l’ami de Royal. Dans Fantastic Mr. Fox, le groupe s’élargit grâce à l’inclusion de Kristofferson, le neveu, d’Agnès, sa fiancée, et d’Eli, l’ami de Foxy. Quant à La Vie aquatique, ce caractère élargi et alternatif étant déjà présent au début du récit, l’évolution se manifeste ici par l’inclusion de Jane et celle, posthume, de Ned, dont le N figure sur le nouveau logo du navire, ainsi que par la reconsolidation des liens qui unissent les membres de l’équipage.

Cette réunification est donc représentée par un même type de plan rassemblant tous les membres de la famille dans le même cadre, dans les épilogues de Rushmore, de La Famille Tenenbaum, de La Vie aquatique et de Fantastic Mr. Fox. Un même ralenti vient d’ailleurs refermer les deux premiers films cités, pour mieux acter la pérennité de cette reconstruction. Dans Rushmore et dans La Vie aquatique, il s’agit d’une figure qui déborde, qui peine à être contenue dans le cadre, donnant ainsi forme au désir d’abondance des personnages, à leur quête d’un sentiment d’appartenance qui les englobe au sein d’une totalité. Dans les deux autres, la composition du plan fait apparaitre ces deux familles comme de véritables collections où chacun possède une place bien déterminée au sein d’un ensemble plus vaste auquel il appartient. Notons également qu’un motif similaire se retrouve dans À bord du Darjeeling Limited au moment de l’enterrement de l’enfant indien, juste après le flashback ramenant les frères Whitman à l’enterrement de leur père. Comme évoqué auparavant, la confrontation avec le trauma, qui s’effectue à cet instant, permet aux personnages d’accepter la mort de leur famille telle qu’elle existait auparavant – sous une version « nucléaire » où ils existaient en tant qu’enfants – et les fait prendre conscience de la nécessité de la recomposer sous une forme nouvelle – en l’occurrence, leur fratrie. Ce prélude à la reconstruction s’exprime alors par un autre grand tableau – dont la dimension picturale est ici renforcée par la fixité du plan – où ils apparaissent tous les trois unis au sein d’un ensemble plus vaste, la communauté indienne, dans une autre image de collection où chacun est à sa place. Ce motif de l’abondance se présente donc dans ces cinq opus comme une image de cohésion retrouvée, qui laisse transparaître l’harmonie et le bien-être qui résultent de ce sentiment d’appartenance à une famille.

Ainsi, des trois types de collection privilégiées par les personnages andersoniens, seule la famille recomposée sous une forme nouvelle apparaît comme le cadre de vie leur permettant de se défaire de la douleur de la perte et de renouer avec une existence épanouissante. Pour autant, ce retour à la famille n’équivaut pas à un repli sur soi et n’a rien d’un geste conservateur. Il témoigne au contraire de la capacité retrouvée des personnages à communiquer avec autrui, à créer du lien social et à constituer une communauté au sein d’un ensemble hétérogène, comme en témoignent les formes élargies de la famille visibles dans Rushmore, La Famille Tenenbaum, La Vie aquatique et Fantastic Mr. Fox.

Notes

  • 1Voir : LaCapra, Dominik. “Trauma, Absence, Loss.” Critical Inquiry, 25.4, 1999, pp. 696-727.
  • 2On peut également émettre la même remarque au sujet de Ned, dans La Vie aquatique, autre personnage orphelin, qui rejoint l’équipage du Belafonte suite à la mort de sa mère pour retrouver, à la fois, le père qu’il n’a jamais eu, et, plus largement, une famille de substitution.
  • 3On notera à cet égard que les parents des trois personnages principaux du film – Dignan, Anthony et Bob Mapplethorpe qui vont à eux trois reconstruire une famille de substitution – sont absents durant tout le récit, renforçant ici l’idée que le passage à l’âge adulte est vécu par ces jeunes gens comme une perte, celle de la famille première, qu’il s’agit de compenser par la création d’une nouvelle communauté.

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About the author(s)

Biographie : Hugo Jordan est doctorant en études cinématographiques au laboratoire LISAA, à l’université Gustave Eiffel. Ses travaux portent sur les œuvres de Wes Anderson, Noah Baumbach et Sofia Coppola, œuvres qu’il qualifie de cinéma de la « post-adolescence ». Ses recherches visent à distinguer et à définir une tendance particulière du cinéma américain contemporain, représentée par ces trois auteurs, et à étudier la thématique du prolongement de l’adolescence au cinéma.

Biography: Hugo Jordan is a PHD student in cinema studies at the LISAA laboratory, at Université Gustave-Eiffel? Gustave Eiffel University. His research focuses on the works of Wes Anderson, Noah Baumbach, and Sofia Coppola, which he describes as “post-adolescence cinema.” His research aims to distinguish and define a particular trend in contemporary American cinema, represented by these three directors, and to study the theme of the extension of adolescence in cinema.