La révolution artistique d'Alejandro Jodorowsky
Nous appréhenderons dans ce travail le concept de révolution à travers le prisme de la littérature. Selon le dictionnaire de la RAE la révolution peut englober plusieurs champs, elle représente « un cambio rápido y profundo en cualquier cosa ». Les notions de violence et de brutalité viennent ainsi conférer une dimension destructrice à cette idée. Une révolution sociale ou politique est synonyme de bouleversement, mais dans le champ de la littérature, comment une œuvre peut-elle devenir révolutionnaire, et pourquoi alors le devient-elle ? Comment se placer dans un contexte de révolution simplement par le texte ? Nous verrons le cas du Chilien Alejandro Jodorowsky dont l’œuvre répond à ce bouleversement des codes et des principes établis. Alejandro Jodorowsky est auteur, poète, cinéaste et aussi grand adepte du tarot. Il quitte le Chili à l’âge de 24 ans et arrive à Paris en 1953 pour travailler avec le Mime Marcel Marceau. Très vite, et après quelques années d’apprentissage de la pantomime, Alejandro Jodorowsky monte une troupe de théâtre itinérante et décide de voyager en exerçant son travail de mime ; il séjournera notamment au Mexique où il réalisera son film La montagne sacrée. Sa jeunesse au Chili lui avait déjà permis de se familiariser avec des activités artistiques de théâtre ou encore d’happening. A tout juste 20 ans, alors qu’il poursuit des études de philologie à Santiago, Jodorowsky parcours la ville avec le jeune poète Enrique Lihn; ensemble, ils découvrent la poésie et le théâtre. Leur expérience commune va aboutir à une perception bien particulière de la poésie qui ne le quittera plus : pour Jodorowsky, la poésie, loin de se limiter à quelques vers enfermés sur une page de livre, doit se vivre et être pensée et vécue comme un acte. Alejandro Jodorowsky et Enrique Lihn ont évolué dans une ambiance poétique de révolte, ils ont été séduits tous deux par l’idée de dynamisme et de performance contenue dans le futurisme et les avant-gardes. Ils tombent sur une phrase de Marinetti qui va accompagner leurs créations futures : « La poésie est un acte » (Jorodowski 2008 : 35).
D’autre part, le Chili, pays que Jodorowsky qualifiera de hautement poétique, l’avait déjà guidé sur un chemin artistique très fort. Pablo Neruda, Enrique Lafourcade ou Gabriela Mistral ont constitué le panthéon littéraire du jeune Alejandro, de l’enfance jusqu’à ses années à la faculté de Santiago, où il a rencontré Nicanor Parra, alors professeur de mathématiques. Alejandro Jodorowsky a donc vécu la poésie à chaque instant, jusqu’à entendre et concevoir la poésie comme une révolution. Il s’agit d’une révolution qu’il définit plutôt comme une nouvelle évolution, une évolution qui surgit et surprend. Pour bien comprendre comment Jodorowsky voit la poésie, il suffit de s’attarder sur la quatrième de couverture de l’œuvre centrale de notre travail, Poesía sin fin. On peut y lire cette citation, avant le résumé de l’anthologie : « Yo no creo en la revolución política, yo creo en la re-evolución poética. La poesía salvará el mundo, es decir, la belleza, porque todos los problemas son por fealdad » (Jorodowski 2013). Entre adhésion et rupture, Alejandro Jodorowksy rompt avec les codes poétiques et monte une révolution par sa poésie. Dans un premier temps, c’est le Surréalisme qui va le mener à cette rupture des codes ; en effet, ce mouvement par ses textes prône la révolution artistique avant tout possible par l’art poétique. Puis, plus tard dans les années 1960, Jodorowsky, de nouveau en quête de nouvelles pistes poétiques, se détache très rapidement du mouvement et choisit de créer le sien aux côtés de Fernando Arrabal et Roland Topor. Nous verrons dans une première partie comme Jodorowsky a brièvement pris part aux réunions surréalistes parisiennes, avant de s’émanciper et de créer Panique avec Topor et Arrabal. Ce mouvement fera l’objet de notre deuxième partie.
La révolution artistique : Jodorowksy et le Surréalisme
Alors qu’apparaît le Surréalisme en France et en Europe, les auteurs latino-américains s’y intéressent et certains y adhèrent pleinement. Le Mexicain Octavio Paz, par exemple, travaille dans les années 1930 avec André Breton et Benjamin Péret, célèbres auteurs du mouvement. Le poète chilien Vicente Huidobro, lu et apprécié par Jodorowsky, est l’un des premiers poètes latino-américains à avoir collaboré avec un journal des avant-gardes intitulé « Dada », dans lequel il écrit aux côtés de Tristan Tzara ou Pierre Reverdy1[1].
L’auteur d’Altazor (Huidobro 1937) est d’ailleurs à l’origine d’un mouvement littéraire et poétique très marquant à cette époque, le « creacionismo ». Huidobro voulait rendre à la poésie sa capacité à produire une image, au-delà de toute explication et au-delà même du langage. Par le vers, il voulait créer et non pas décrire. C’est une pensée d’un genre très nouveau qu’il propose aux poètes espagnols et français de son époque2.
Cet héritage est l’un des traits les plus marquants de la poésie de Jodorowsky qui justifie sa complexité : les vers évoquent une image irréelle et ne sont pas explicables par les mots de tous les jours. La poésie est devenue un espace hors du réel où seule la poésie peut créer ce qu’il lui plaît. Huidobro résume ses attentes du « creacionismo » par ce vers de « Arte poética » : « Por qué cantáis la rosa, ¡oh Poetas! Hacedla florecer en el poema » (Huidobro 1990 : 41)
Jodorowsky, après sa participation au mouvement, va se détacher de cette sphère de poètes chiliens. Dans son dernier film Poesía sin fin, on constate que la rupture est assumée, le spectateur est témoin d’un acte de rébellion à l’encontre de la figure de Neruda. En effet, les jeunes Alejandro et Enrique Lihn (incarnés par Adan Jodorowsky et Leandro Taub) vandalisent la statue de Neruda qui orne alors une place de la capitale. Cet acte symbolique est représentatif de son souhait de changement et de rupture totale. Ils prétendent ainsi rendre justice aux vrais poètes du pays, les habitants de Santiago. Fort de cet héritage, qu’il rejette parfois, et influencé par tous ces liens qui unissent Amérique Latine et Surréalisme, Alejandro Jodorowsky part alors pour Paris et rencontre très rapidement les auteurs du cercle surréaliste guidés par André Breton. Il se lie d’amitié avec le dramaturge et poète espagnol Fernando Arrabal et l’artiste français Roland Topor.
Révolte, audace et démesure dans la création guideront les surréalistes, emportant avec eux le jeune Jodorowsky. Ces années à travailler avec les surréalistes représentent pour le Chilien une période riche en créations et en projets. La révolution artistique, au moyen d’une « exaltation de tous les sens3 » séduit Jodorowksy alors en quête d’expérimentation. De plus, la psychanalyse qui intervient dans la création littéraire de cette période plaît au Chilien. La parfaite liberté de l’esprit et des sens peut lui permettre d’exprimer sans bornes ses idées. Le cadavre exquis ou l’écriture automatique sont deux pratiques surréalistes qui marqueront notre auteur et développeront son imaginaire.
L’exaltation de l’imagination, qui prend le pas sur la logique et l’ordre, représente tout ce que le jeune Alejandro cherchait, alors qu’il vivait enfermé par les limites imposées par son père, qui s’opposait avec rigueur et violence à ses désirs de poésie et de lettres, préférant pour son fils une carrière plus traditionnelle et sécurisante.
Dans le poème « Fracaso » issu du recueil Pasos en el vacío, la voix poétique se perd dans un monde nouveau et hors du réel :
Navego en un ataúd
El cuerpo se me hace pájaro
Mis ojos vierten campañas
Hundo mi puño en la roca
Encuentro sueños que laten
Mujeres con cara de pollo
devoran tres mariposas
Yo me embrigado de mármol
Vivo de lavar sombras
Soy la falla del eje (Jodorowsky 2013 : 394)
La voix poétique mêle ici l’onirisme, propre à la poésie et conservée par les surréalistes, à des images fortes et repoussantes. « El cuerpo se me hace párajo » au vers deux, vient largement contraster avec le vers six : « Mujeres con cara de pollo ». Ces « mujeres con cara de pollo » semblent sorties d’un rêve étrange, voire d’un cauchemar qui s’amplifie quand on apprend au vers suivant qu’elles dévorent des papillons. Le « je » poétique surprend le lecteur dans le déroulement de ce poème, on lit, mais on ne sait pas où l’on va. Le dernier vers vient clore ces images tortueuses et emmêlées entre elles. « Soy la falla del eje » dit la voix poétique, je suis la faille de l’axe, le « je » lyrique rompt quelque chose par ce simple vers. Le poème est parfaitement libre et évolue d’une façon indomptable. Les images s’enchaînent et sont violentes, provoquant parfois de l’incompréhension. Le poème devient un espace de prise de position vis-à-vis de la réalité pour l’accepter, la rejeter ou l’envisager autre (Béhar 1984 : 74).
L’idée de révolution est donc un axe majeur de la pensée surréaliste parisienne du XXe siècle. Jodorowsky y adhérera, dans ses poèmes et dans sa conception entière de l’art. Mais le caractère imprévisible du Chilien ne semble pas faire bon ménage avec l’autorité débordante d’André Breton. Jodorowsky s’éloigne alors des réunions. En effet, Alejandro Jodorowsky différencie bien le politique et l’artistique. Contrairement à d’autres poètes de son pays, le politique et les affaires de l’État sont pour lui totalement incompatibles avec le rôle de la poésie. L’art doit montrer le beau, parfois le difforme, et c’est tout. C’est là un des points de divergence entre Jodorowsky et le Surréalisme qui l’amènera à reconsidérer son appartenance au mouvement. La révolution surréaliste s’essouffle dans le parcours de Jodorowsky, il prend rapidement un chemin différent, signant ainsi sa rupture avec les auteurs surréalistes.
La contre-révolution Panique
L’adhésion à la révolution surréaliste n’est pas la seule expérience de révolte littéraire de notre auteur. On peut en effet considérer que ce mouvement, par son omniprésence et son ampleur, n’était finalement pas un courant réellement révolutionnaire dans l’esprit du Chilien. Jodorowsky, quelques années après avoir participé activement aux réunions surréalistes, décide de rompre avec le groupe, alors lassé de la figure papale de Breton et de son esprit qu’il considère parfois comme trop étroit. Au sein du groupe d’avant-gardes, Jodorowsky avait fait la connaissance du Français Roland Topor et de l’Espagnol Fernando Arrabal.
Les trois compères, Topor, Arrabal et Jodorowsky, mèneront leur propre révolution après une rapide sédition avec le Surréalisme. En 1962, le mouvement éphémère de Panique voit le jour et les créations qui en émergeront traduisent ce besoin de nouveauté et de renaissance dont avait besoin Jodorowksy. L’artiste, dans toutes ses créations confondues, aspire à une nouveauté, à une révolution permanente qui suppose non pas une violence mais une création nouvelle, un « re-mouvement » fertile.
Le mot « Panique » en lui-même sous-entend une stupeur créée par l’artiste. Cette stupeur peut alors conduire au dégoût, à quelque chose d’anormal et de monstrueux.Arrabal rapproche le mouvement Panique d’un procédé alchimique nécessaire :
La création panique utilise une gigantesque marmite dans laquelle elle fait bouillir tous nos acquis culturels et intellectuels pour les désinfecter, puis elle reconstruit une œuvre nouvelle, riche d’un héritage passé, réapproprié et renouvelé. L’artiste panique est un alchimiste qui expérimente divers langages pour parvenir à la quintessence de l’expression artistique. (Arranzueque-Arrieta 2008 : 63)
Les réflexions quant à la nouveauté et la destruction (fertile) sont nombreuses dans l’explication de Panique que nous donne Fernando Arrabal. Dans un autre ouvrage Panique intitulé Le manifeste pour un troisième millénaire (Arrabal 2006), le dramaturge espagnol nous éclaire une nouvelle fois sur la finalité révolutionnaire de Panique :
Nous sommes dans la confusion, l’ambiguïté, un mot qu’aimait Cervantès, l’indétermination comme le disait Heisenberg. Or la poésie, le théâtre, l’art, l’amour et l’amour de l’amour naissent du hasard, de la confusion, agissent par coups de théâtre et par coups de foudre. Les big bang qui se manifestent à chaque instant sont provoqués par la mémoire et les pensées sont filles du hasard et de la confusion. Nous ne sommes plus intéressés par la chaîne des causes et des effets. Nous sommes paniques. (Arrabal 2006 : 211)
« Panique » est un nom tiré du Dieu Pan. L’homme « Panique » est un homme de tous les refus et du refus de tous les dangers. Pan en lui-même, qui est au cœur de cet « anti-mouvement », est une créature hybride, issue d’un homme et d’un bouc. Comme l’explique Alejandro Jodorowsky, Pan est tel un clown, créant toujours la surprise et disposant d’une mentalité et d’une pensée multiple.
Au même titre que le Surréalisme, Panique est un contre-mouvement qui englobe plusieurs arts (poésie, roman et art visuel) mais à cette pluridisciplinarité se rajoute une dimension de bouleversement et de décalage :
Le Panique change les sens des relations humaines, altère l’ordre rationnel du monde, inverse les rôles, transforme le Tout en Néant et le Néant en Tout, met l’univers cul par-dessus tête et nos idées sens dessus dessous, ainsi que nos croyances et nos certitudes. (Arrabal 1991 : 63)
L’œuvre de Fernando Arrabal est aussi vaste et hétéroclite que celle de Jodorowksy. Une de ses œuvres, Carta de amor (como un suplicio chino) (Arrabal 2001) se compose d’un monologue et d’une section intitulée « Definiciones, jaculatorias y arrabalescos ». Nous pouvons découvrir dans cette section des définitions sous la forme de maximes, qui donnent le ton de Panique :
Secreto de la muerte : Arcano que a todos pertenece y que ninguno conocemos. (Arrabal 2001, 63)
Du côté de l’écriture arrabalienne, nous trouvons des textes intéressants sur Panique et les intentions du mouvement. Le premier texte Panique intitulé La pierre de la folie est publié par un journal surréaliste, « La brèche »4, en 1962. Dans ce court livre d’Arrabal, nous pouvons y lire des poèmes en prose, plus ou moins rattachés entre eux :
Le curé est venu voir ma mère
et il lui a dit que j’étais fou.
Lors ma mère m’a attaché à une chaise.
Le curé m’a fait un trou dans la nuque
avec un bistouri et il m’a extrait la pierre
de la folie.
Puis, ils m’ont porté, pieds et poings
liés, jusqu’à la nef des fous. (Arrabal, 1977 : 14)
De son côté, pour concrétiser et réaliser Panique, Alejandro Jodorowsky réalise aussitôt une série de poèmes plastiques, sous la forme de dessins unissant l’art plastique et l’art poétique. Il nomme ces poèmes visuels Fábulas Pánicas (Jodorowsky 2017) et les publie dans le quotidien mexicain « Heraldo » entre 1963 et 1967. Alliant humour et bizarrerie, ces dessins visent à représenter sa vision de l’art Panique et provoquer un torrent dans la poésie contemporaine. En voici un exemple avec la « Fábula 52 », publiée le 9 juin 1968 :
Alejandro Jodorowsky explique à travers ses dessins comment les aphorismes et les maximes sont des clefs pour comprendre dans sa totalité le mouvement Panique.
Peu de temps après la création de Panique, Jodorowsky expose ses préceptes avec une représentation poétique et théâtrale. Lors d’un séjour au Mexique où il tourne avec sa troupe de théâtre, le Chilien se charge de l’inauguration d’un cinéma en créant l’une de ses pièces où il semble donner le plus à voir la poésie et ses effets. Cette œuvre intitulée Muro de hierro -que l’on trouve dans son anthologie poétique publiée en 2013- est composée à la manière d’un spectacle poétique et vient sublimer une sculpture de l’artiste Manuel Felguerez. Cette création théâtrale est difficilement accessible dans son entièreté aujourd’hui et, puisqu’elle se réalise sous la forme d’un happening, elle est éphémère. Voici quelques mots qui précèdent la trame de cette pièce poétique :
Propuse inaugurar este mural con un espectáculo poético, donde usaría las palabras en otra forma que un texto conceptual : serían sonidos puros, pero transportando, en forma subliminal, contenidos revolucionarios. Incluía una frase, muy corta, casi impreceptible en la vorágine de fonemas, donde se hablaba del « tampax ensangrentado de la Virgen María ». (Jodorowsky 2013 : 439)
L’image qu’il souhaite produire avec ces sons suggérés peut être considérée sans conteste de révolutionnaire, voire blasphématoire puisse qu’elle touche à une religion.
La réaction face à cette œuvre a à son tour provoquée une petite révolution. En effet, le choc, le dégoût ou la colère face au blasphème, voire l’incompréhension de ce nouveau langage a laissé le public perplexe, ce qui a provoqué des émeutes dans le cinéma et des insultes envers Jodorowsky. La réception de cette œuvre la rend encore plus révolutionnaire, en effet, elle a propagé l’idée de révolution et la confusion partout chez les spectateurs.
Le terme de « re-evolucionarios » semble approprié pour cet exemple d’œuvre Panique. Jodorowsky adhère à ce principe révolutionnaire prodigué par Breton et par tous les auteurs avant-gardistes, mais ce mot cache une autre dimension aux yeux de Jodorowsky, et c’est bien celle d’une évolution nouvelle et créative. La phrase « tampax ensangrentado de la Virgen María » ne fait que confirmer ce souhait de l’auteur, qui désacralise ici encore un élément biblique très fort. Les sons et les mots sont donc au cœur de ce poème théâtralisé. Cette création artistique est l’une des premières expériences d’art total d’Alejandro Jodorowsky. Si les expériences d’actes poétiques ont été un moyen efficace pour permettre à l’auteur de réfléchir sur la poésie et le discours poétique, dans cette production de 1961, Alejandro Jodorowsky mêle poésie et théâtre à l’occasion d’un événement cinématographique. Dans les didascalies, Jodorowsky parle bien de cette représentation comme d’un « poème », réalisant ainsi un projet d’art total.
Conclusion
Alejandro Jodorowsky ne manque pas de penser et de réfléchir continuellement à l’art de la poésie, c’est ce qui l’a conduit à quitter son pays pour adhérer pleinement à un courant littéraire qui lui semblait en accord avec ses attentes de l’art et de l’art poétique notamment. La rupture avec le Chili a laissé place à un nouvel espace artistique. Mais très vite, Jodorowsky entre de nouveau en désaccord et choisit de créer son propre mouvement, basé sur l’éphémère, la violence et l’humour. Le Surréalisme sera pour lui un refuge pour s’exprimer artistiquement et pour trouver sa voie. Mais, tout comme avec les poètes chiliens, Jodorowsky rompt une nouvelle fois avec un courant et choisit de créer Panique, un mouvement éphémère et autonome. La rupture est un maître mot de sa poésie, au-delà de la violence du langage que le « je » poétique emploie souvent. Les décalages dans les images poétiques ou encore les dislocations dans les vers entretiennent cette notion de rupture et de fracture. Entre l’héritage qu’il a reçu et ses propres découvertes, Jodorowsky conserve un esprit de discordance et un besoin de provoquer quelque chose par sa poésie, que cela soit une réaction positive ou bien un chamboulement profond. La violence attachée à la révolution est bien présente dans sa poésie, dans les images et dans son comportement quand il expose parfois ses vers, mais il s’agit une violence tout aussi paradoxale que ses poèmes, puisqu’elle est sans réelle brutalité. La révolution dans sa pensée poétique se veut alors fertile et synonyme de renouveau.